Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/634

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lité, les conséquences se distribuent sur la communauté…

Or il faut remarquer qu’il est dans la nature de chaque homme de vouloir être heureux. — Qu’on dise tant qu’on voudra que je célèbre ici l’égoïsme ; je ne célèbre rien, je constate, — je constate ce sentiment inné, universel, qui ne peut pas ne pas être : — l’intérêt personnel, le penchant au bien-être, la répugnance à la douleur.

Il suit de là que l’individualité est portée à s’arranger de telle sorte que les bonnes conséquences de ses actes lui reviennent et que les mauvaises retombent sur autrui ; autant que possible, elle cherche à répartir celles-ci sur un plus grand nombre d’hommes, afin qu’elles passent plus inaperçues et provoquent une moindre réaction.

Mais l’opinion, cette reine du monde, qui est fille de la solidarité, rassemble tous ces griefs épars, groupe tous ces intérêts lésés en un faisceau formidable de résistances. Quand les habitudes d’un homme sont funestes à ceux qui l’entourent, la répulsion se manifeste contre cette habitude. On la juge sévèrement, on la critique, on la flétrit ; celui qui s’y livre devient un objet de défiance, de mépris et de haine. S’il y rencontrait quelques avantages, ils se trouvent bientôt plus que compensés par les souffrances qu’accumule sur lui l’aversion publique ; aux conséquences fâcheuses qu’entraîne toujours une mauvaise habitude, en vertu de la loi de Responsabilité, viennent s’ajouter d’autres conséquences plus fâcheuses encore en vertu de la loi de Solidarité.

Le mépris pour l’homme s’étend bientôt à l’habitude, au vice ; et comme le besoin de considération est un de nos plus énergiques mobiles, il est clair que la solidarité, par la réaction qu’elle détermine contre les actes vicieux, tend à les restreindre et à les détruire.

La Solidarité est donc, comme la responsabilité, une force progressive ; et l’on voit que, relativement à l’auteur de