Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/120

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aussi faux que cruel. N’est-ce point, en effet, une impitoyable cruauté que de venir nous dire : « Vous avez un beau ciel, un sol fécond, de fraîches vallées, des coteaux sur lesquels le travail de vos pères avait répandu l’aisance et le bonheur. Grâce à ces dons de la nature et de l’art, votre population était aussi pressée que dans nos plus riches provinces. Les débouchés vous ont fait défaut tout à coup, et la détresse a succédé à l’aisance, les larmes aux chants de joie. Or, pouvant disposer d’un immense débouché, nous ne savions encore si nous en doterions le désert ou si nous le mettrions à votre portée. Vos souffrances nous décident. Elles sont bien avérées ; le pouvoir lui-même les a constatées, par ces expressions laconiques : ce n’est rien, c’est la population qui diminue. Il n’y a rien à répliquer à cela ; et nous voilà bien décidés à rejeter le chemin dans la grande Lande. Cette détermination, en ruinant toutes vos villes, accélérera la dépopulation qui vous attriste ; mais la chance de peupler le désert ne vaut-elle pas bien la certitude de dépeupler les vallées ? »

Ah ! Messieurs, donnez au chemin la direction que, dans votre sagesse, vous jugerez la plus utile à l’intérêt général ; mais si vous en frustrez notre vallée, ne dites pas dans vos considérants, comme on vous y engage, que ce sont ses malheurs, et ses malheurs seuls, qui vous déterminent.




23. — AUX MEMBRES DE L’ASSOCIATION POUR LA LIBERTÉ DES ÉCHANGES[1].


Mes chers Collègues,

Quelques esprits ardents s’affligent de ce que l’Association parisienne a fait si peu de progrès. Je voudrais les con-

  1. Mémorial bordelais du 14 juin 1846.