Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/331

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forme radicale, absolue, sans s’inquiéter de quelque embarras ou de quelque déficit au Trésor. On a réduit le port de la lettre au taux de la plus petite monnaie anglaise, parce que cela suffisait pour payer à l’État le service rendu et lui rembourser ses frais. Et comme la poste laisse encore un profit, il ne faut pas douter qu’on réduisit encore le port des lettres, s’il y avait en Angleterre une monnaie au-dessous du penny.

J’avoue qu’il y a dans cette audace et cette vigueur quelque chose de grand, qui me fait suivre avec intérêt les débats du parlement anglais et plus encore les débats populaires qui ont lieu dans les associations et les meetings. C’est là que l’avenir s’élabore, c’est là que de longues discussions dégagent au préalable cette inconnue : un principe est-il engagé dans la question ? — Et si la réponse est affirmative, on peut ignorer le jour du triomphe, mais on peut être sûr que le triomphe est assuré.

Avant de revenir au sujet de ce chapitre, l’anglomanie et l’anglophobie, je dois prémunir le lecteur contre une fausse interprétation qui pourrait se glisser dans son esprit. Bien que la lutte entre l’aristocratie et la démocratie, toujours présente et palpitante au fond de chaque question, donne certainement de la chaleur et de la vie aux débats ; bien qu’en retardant et éloignant la solution, elle contribue à mûrir les idées et former les mœurs politiques du peuple ; il ne faut pas conclure de là que je considère comme un désavantage absolu pour mon pays de n’avoir pas le même obstacle à vaincre, et conséquemment de ne pas sentir le même aiguillon, de n’avoir pas les mêmes éléments de vie et d’ardeur.

Les principes ne sont pas moins engagés chez nous qu’en Angleterre. Seulement les débats devraient être, chez nous, beaucoup plus généraux, beaucoup plus humanitaires (puisque le mot est consacré), comme, chez nos voisins, ils doivent être plus nationaux. L’obstacle aristocratique, pour