Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/49

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remplirai par quelques considérations générales. — D’après ce qui a pu me revenir, on se promet beaucoup d’une grande démonstration publique, d’un appel solennel fait au Gouvernement. Oh ! combien se trompent ceux qui pensent qu’à cela se réduisent les travaux d’une ligue ! Une ligue a pour mission de détruire successivement tous les obstacles qui s’opposent à la liberté commerciale. Et quels sont ces obstacles ? Nos erreurs, nos préjugés, l’égoïsme de quelques-uns, l’ignorance de presque tous. L’ignorance, c’est là le monstre qu’il faut étouffer ; et ce n’est pas l’affaire d’un jour ! Non, non, l’obstacle n’est pas au ministère, c’est tout au plus là qu’il se résume. Pour modifier la pensée ministérielle, il faut modifier la pensée parlementaire ; et pour changer la pensée parlementaire, il faut changer la pensée électorale ; et pour réformer la pensée électorale, il faut réformer l’opinion publique.

Croyez-vous que ce soit une petite entreprise que de renouveler les convictions de tout un peuple ? J’ignore quelles sont les doctrines économiques de M. Guizot ; mais fût-il M. Say, il ne pourrait rien pour nous, ou bien peu de chose. Son traité avec l’Angleterre n’a-t-il pas échoué ? Son union douanière avec la Belgique n’a-t-elle pas échoué ? La volonté du ministre a été surmontée par une volonté plus forte que la sienne, celle du parlement. Faut-il en être surpris ? Je ne sache pas que la liberté des échanges, comme principe, ait à la Chambre, je ne dis pas la majorité, mais même une minorité quelconque, et je ne lui connais pas un seul défenseur, je dis un seul, dans l’enceinte où se font les lois. Peut-être le principe y vit-il endormi au fond de quelque conscience. Mais que nous importe si, l’on n’ose l’avouer ? — Il est un député sur lequel on avait fondé quelques espérances. Entré à la Chambre jeune, sincère, plein de cœur, avec des facultés développées par l’étude et la pratique des affaires commerciales, les amis de la liberté avaient