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POÉSIES

M. Monsieur mon pere eust amassé
Plus d’escus qu’on eust entassé
En ung hospital de vermine.
B. Mais nous avons si bien sassé,
Le sang bieu ! que tout est passé,
Gros et menu, par l’estamyne.

M. Si vient guerre, mort ou famine,
Dont Dieu nous gard, quel train, quel myne
Ferons nous pour gaigner le broust ?
B. Quant à moy, je me determine
D’entrer chez voisin et voisine
Et d’aller voir si le pot bout.

M. Mais regardons, à peu de coust,
Quel train nous viendroit mieulx à goust
Pour amasser biens et honneurs.
B. Le meilleur est prendre partout.
M. De rendre, quoy ? B. On s’en absoult,
Pour cinq solz, à ces pardonneurs.

M. Allons servir quelques seigneurs.
B. Aucuns sont si petitz d’honneurs
Qu’on n’y a que peine et meschance.
M. Et prouffit, quel ? B. Selons les heurs ;
Mais entre nous, fins estradours,
Il nous fault esplucher la chance.

M. Servons marchans pour la pitance,
Pour fructus ventris, pour la pance.
B. On y gaigneroit ses despens.
M. Et de foncer ? B. Bonne asseurance,
Petite foy, large conscience ;
Tu n’y scez riens et y aprens.