Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/266

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de son vieux camarade Sandres. Ah ! s’il l’avait connue jeune fille ! Mais il l’avait rencontrée trop tard ; elle était déjà mariée. Certes, il l’aurait demandée, celle-là ! Comme il l’avait aimée pourtant, sans répit, depuis le premier jour !

Il se rappelait son émotion toutes les fois qu’il la revoyait, ses tristesses en la quittant, les nuits où il ne pouvait pas s’endormir parce qu’il pensait à elle.

Le matin, il se réveillait toujours un peu moins amoureux que le soir. Pourquoi ?

Comme elle était jolie, autrefois, et mignonne, blonde, frisée, rieuse ! Sandres n’était pas l’homme qu’il lui aurait fallu. Maintenant, elle avait cinquante-huit ans. Elle semblait heureuse. Ah ! si elle l’avait aimé, celle-là, jadis ; si elle l’avait aimé ! Et pourquoi ne l’aurait-elle pas aimé, lui, Saval, puisqu’il l’aimait bien, elle, Mme Sandres ?

Si seulement elle avait deviné quelque chose… N’avait-elle rien deviné, n’avait-elle rien vu, rien compris jamais ? Alors qu’aurait-elle pensé ? S’il avait parlé, qu’aurait-elle répondu ?

Et Saval se demandait mille autres choses. Il revivait sa vie, cherchait à ressaisir une foule de détails.

Il se rappelait toutes les longues soirées