Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XI.djvu/138

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ment surhumain, la joie profonde, inexplicable, de posséder l’Insaisissable, l’Invisible, la Morte ! Nul amant ne goûta des jouissances plus ardentes, plus terribles !

Je n’ai point su cacher mon bonheur. Je l’aimais si fort que je n’ai plus voulu la quitter. Je l’ai emportée avec moi toujours, partout. Je l’ai promenée par la ville comme ma femme, et conduite au théâtre en des loges grillées, comme ma maîtresse…

Mais on l’a vue… on a deviné… on me l’a prise… Et on m’a jeté dans une prison, comme un malfaiteur. On l’a prise… oh ! misère !…


Le manuscrit s’arrêtait là. Et soudain, comme je relevais sur le médecin des yeux effarés, un cri épouvantable, un hurlement de fureur impuissante et de désir exaspéré s’éleva dans l’asile.

« Écoutez-le, dit le docteur. Il faut doucher cinq fois par jour ce fou obscène. Il n’y a pas que le sergent Bertrand qui ait aimé les mortes. »

Je balbutiai, ému d’étonnement, d’horreur et de pitié :

« Mais… cette chevelure… existe-t-elle réellement ? »

Le médecin se leva, ouvrit une armoire pleine de fioles et d’instruments et il me jeta,