Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XI.djvu/262

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Une paire de petites béquilles gisait à terre et m’émut. Je m’aperçus alors que ces trois petits êtres étaient difformes, bossus et crochus, hideux.

Le docteur me dit :

— Ce sont les produits de la charmante femme que tu viens de rencontrer.

Une pitié profonde pour elle et pour eux m’entra dans l’âme. Je m’écriai :

— Oh la pauvre mère ! Comment peut-elle encore rire !

Mon ami reprit :

— Ne la plains pas, mon cher. Ce sont les pauvres petits qu’il faut plaindre. Voilà les résultats des tailles restées fines jusqu’au dernier jour. Ces monstres-là sont fabriqués au corset. Elle sait bien qu’elle risque sa vie à ce jeu-là. Que lui importe, pourvu qu’elle soit belle, et aimée.

Et je me rappelai l’autre, la campagnarde, la Diable, qui les vendait, ses phénomènes.


La Mère aux monstres a paru dans le le Gil-Blas du mardi 12 juin 1883, sous la signature : Maufrigneuse.