Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« boiseries de palissandre, — tapisserie des Gobelins, — glaces de Venise, — tableaux de Raphaël. » Gérard de Nerval avait déjà décoré un appartement de cette manière, et cela ne nous étonnait pas. Quant à Balzac, il se croyait littéralement dans l’or, le marbre et la soie ; mais, s’il n’acheva pas les Jardies et s’il prêta à rire par ses chimères, il sut du moins se bâtir une demeure éternelle, un monument « plus durable que l’airain, » une cité immense, peuplée de ses créations et dorée par les rayons de sa gloire.

Personne ne peut avoir la prétention de faire une biographie complète de Balzac ; toute liaison avec lui étant nécessairement coupée de lacunes, d’absences, de disparitions. Le travail commandait absolument la vie de Balzac, et si, comme il le dit lui-même avec un accent de touchante sensibilité dans une lettre à sa sœur, il a sacrifié sans peine à ce dieu jaloux les joies et les distractions de l’existence, il lui en a coûté de renoncer à tout commerce un peu suivi d’amitié. Répondre quelques mots à une longue missive devenait pour lui, dans ses accablements de besogne, une prodigalité qu’il pouvait rarement se permettre ; il était l’esclave de son œuvre et l’esclave volontaire. Il avait, avec un cœur très-bon et très-tendre, l’égoïsme du grand travailleur. Et qui eût songé à lui en vouloir de négligences forcées et d’oublis apparents, lorsqu’on voyait les résultats de ses fuites ou de ses réclusions ? Quand, l’œuvre parachevée, il reparaissait, on eût dit qu’il vous eût quitté la veille, et il reprenait la conversation interrompue, comme si quelquefois six mois et plus ne se fussent pas écoulés. Il faisait des voyages en France pour étudier les localités où il plaçait ses Scènes de province, et se retirait chez des amis, en Touraine, où dans la Charente, trouvant là un calme que ses créanciers ne lui laissaient pas toujours à Paris. Après quelque grand ouvrage, il se permettait parfois une excursion plus longue, en Allemagne, dans la haute Italie ou en Suisse ; mais ces courses faites rapidement, avec des préoccupations d’échéances à payer, de traites à remplir, et un viatique assez borné, le fatiguaient peut-être plus qu’elles ne le reposaient.

Passons maintenant à quelques détails plus intimes. Le grand Goethe avait trois choses en horreur : une de ces