Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/276

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un point à travers les feuilles : — Caroline ! dit Roger d’une voix troublée et le cœur palpitant. La jeune fille confuse recula de quelques pas en comprenant les désirs que cette interrogation révélait ; néanmoins, elle tendit sa main qui fut baisée avec ardeur et qu’elle retira vivement, car en se levant sur la pointe des pieds elle avait aperçu sa mère. Madame Crochard fit semblant de ne rien voir, comme si, par un souvenir de ses anciens rôles, elle eût dû ne figurer là qu’en a parte.

L’aventure de ces deux jeunes gens ne se continua pas long-temps dans la rue du Tourniquet. Pour retrouver Caroline et Roger, il est nécessaire de se transporter au milieu du Paris moderne, où il existe, dans les maisons nouvellement bâties, de ces appartements qui semblent faits exprès pour que de nouveaux mariés y passent leur lune de miel : les peintures et les papiers y sont jeunes comme les époux, et la décoration en est dans sa fleur comme leur amour ; tout y est en harmonie avec de jeunes idées, avec de bouillants désirs. Au milieu de la rue Taitbout, dans une maison dont la pierre de taille était encore blanche, dont les colonnes du vestibule et de la porte n’avaient encore aucune souillure, et dont les murs reluisaient de cette peinture d’un blanc de plomb que nos premières relations avec l’Angleterre mettaient à la mode, se trouvait, au second étage, un petit appartement arrangé par l’architecte comme s’il en avait deviné la destination. Une simple et fraîche antichambre, revêtue en stuc à hauteur d’appui, donnait entrée dans un salon et dans une petite salle à manger. Le salon communiquait à une jolie chambre à coucher à laquelle attenait une salle de bain. Les cheminées y étaient toutes garnies de hautes glaces encadrées avec recherche. Les portes avaient pour ornements des arabesques de bon goût, et les corniches étaient d’un style pur. Un amateur aurait reconnu là, mieux qu’ailleurs, cette science de distribution et de décor qui distingue les œuvres de nos architectes modernes. Cet appartement était habité depuis un mois environ par Caroline pour qui l’un de ces tapissiers qui ne travaillent que guidés par les artistes, l’avait meublé soigneusement. La description succincte de la pièce la plus importante suffira pour donner une idée des merveilles que cet appartement avait présentées à celle qui vint s’y installer, amenée par Roger. Des tentures en étoffe grise, égayées par des agréments en soie verte, décoraient les murs de sa chambre à coucher. Les meubles, couverts en ca-