Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/287

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hissaient une sorte de supériorité d’hypocrisie et de finesse, cligna des yeux, et dès que Françoise eut tourné le dos, elle fit à ses deux amies un signe qui voulait dire : — Cette fille est une fine mouche, elle a déjà été couchée sur trois testaments. Les trois vieilles femmes restèrent donc ; mais l’abbé reparut bientôt et quand il eut dit un mot, les sorcières dégringolèrent de compagnie les escaliers après lui, laissant Françoise seule avec sa maîtresse. Madame Crochard, dont les souffrances redoublèrent cruellement, eut beau sonner en ce moment sa servante, celle-ci se contentait de crier : — Eh ! on y va ! Tout à l’heure ! Les portes des armoires et des commodes allaient et venaient comme si Françoise eût cherché quelque billet de loterie égaré. À l’instant où cette crise atteignait à son dernier période, mademoiselle de Bellefeuille arriva auprès du lit de sa mère pour lui prodiguer de douces paroles.

— Oh ! ma pauvre mère, combien je suis criminelle ! Tu souffres, et je ne le savais pas, mon cœur ne me le disait pas ! Mais me voici…

— Caroline…

— Quoi ?

— Elles m’ont amené un prêtre.

— Mais un médecin donc, reprit mademoiselle de Bellefeuille. Françoise, un médecin ! Comment ces dames n’ont-elles pas envoyé chercher le docteur ?

— Elles m’ont amené un prêtre, reprit la vieille en poussant un soupir.

— Comme elle souffre ! et pas une potion calmante, rien sur sa table.

La mère fit un signe indistinct, mais que l’œil pénétrant de Caroline devina, car elle se tut pour la laisser parler.

— Elles m’ont amené un prêtre… soi-disant pour me confesser. — Prends garde à toi, Caroline, lui cria péniblement la vieille comparse par un dernier effort, le prêtre m’a arraché le nom de ton bienfaiteur.

— Et qui a pu te le dire, ma pauvre mère ?

La vieille expira en essayant de prendre un air malicieux. Si mademoiselle de Bellefeuille avait pu observer le visage de sa mère, elle eût vu ce que personne ne verra, rire la Mort.

Pour comprendre l’intérêt que cache l’introduction de cette scène, il faut en oublier un moment les personnages, pour se prê-