Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gne, répondait-elle. Voudriez-vous pour la mère de vos enfants, d’une fille sans religion ? non. Quel homme oserait être juge entre les incrédules et Dieu ? Eh ! bien, comment puis-je blâmer ce que l’Église admet ?

Angélique semblait animée par une si onctueuse charité, le jeune avocat lui voyait tourner sur lui des regards si pénétrés, qu’il fut parfois tenté d’embrasser la religion de sa prétendue ; la conviction profonde où elle était de marcher dans le vrai sentier réveilla dans le cœur du futur magistrat des doutes qu’elle essayait d’exploiter. Granville commit alors l’énorme faute de prendre les prestiges du désir pour ceux de l’amour. Angélique fut si heureuse de concilier la voix de son cœur et celle du devoir en s’abandonnant à une inclination conçue dès son enfance, que l’avocat trompé ne put savoir laquelle de ces deux voix était la plus forte. Les jeunes gens ne sont-ils pas tous disposés à se fier aux promesses d’un joli visage, à conclure de la beauté de l’âme par celle des traits ? un sentiment indéfinissable les porte à croire que la perfection morale concorde toujours à la perfection physique. Si la religion n’eût pas permis à Angélique de se livrer à ses sentiments, ils se seraient bientôt séchés dans son cœur comme une plante arrosée d’un acide mortel. Un amoureux aimé pouvait-il reconnaître un fanatisme si bien caché ? Telle fut l’histoire des sentiments du jeune Granville pendant cette quinzaine dévorée comme un livre dont le dénouement intéresse. Angélique attentivement épiée lui parut être la plus douce de toutes les femmes, et il se surprit même à rendre grâce à madame Bontems, qui, en lui inculquant si fortement des principes religieux, l’avait en quelque sorte façonnée aux peines de la vie.

Au jour choisi pour la signature du fatal contrat, madame Bontems fit solennellement jurer à son gendre de respecter les pratiques religieuses de sa fille, de lui donner une entière liberté de conscience, de la laisser communier, aller à l’église, à confesse, autant qu’elle le voudrait, et de ne jamais la contrarier dans le choix de ses directeurs. En ce moment solennel, Angélique contempla son futur d’un air si pur et si candide, que Granville n’hésita pas à prêter le serment demandé. Un sourire effleura les lèvres de l’abbé Fontanon, homme pâle qui dirigeait les consciences de la maison. Par un léger mouvement de tête, mademoiselle Bontems promit à son ami de ne jamais abuser de cette liberté de conscience.