Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/30

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l’immoralité, sans faire observer la moralité de telle autre partie destinée à former un contraste parfait. Comme la critique ignorait le plan général, je lui pardonnais d’autant mieux qu’on ne peut pas plus empêcher la critique qu’on ne peut empêcher la vue, le langage et le jugement de s’exercer. Puis le temps de l’impartialité n’est pas encore venu pour moi. D’ailleurs, l’auteur qui ne sait pas se résoudre à essuyer le feu de la critique ne doit pas plus se mettre à écrire qu’un voyageur ne doit se mettre en route en comptant sur un ciel toujours serein. Sur ce point, il me reste à faire observer que les moralistes les plus consciencieux doutent fort que la Société puisse offrir autant de bonnes que de mauvaises actions, et dans le tableau que j’en fais, il se trouve plus de personnages vertueux que de personnages répréhensibles. Les actions blâmables, les fautes, les crimes, depuis les plus légers jusqu’aux plus graves, y trouvent toujours leur punition humaine ou divine, éclatante ou secrète. J’ai mieux fait que l’historien, je suis plus libre. Cromwell fut ici-bas, sans autre châtiment que celui que lui infligeait le penseur. Encore y a-t-il eu discussion d’école à école. Bossuet lui-même a ménagé ce grand régicide. Guillaume d’Orange l’usurpateur, Hugues Capet, cet autre usurpateur, meurent pleins de jours, sans avoir eu plus de défiances ni plus de craintes qu’Henri IV et que Charles Ier. La vie de Catherine II et celle de Louis XIV, mises en regard, concluraient contre toute espèce de morale, à les juger au point de vue de la morale qui régit les particuliers ; car pour les Rois, pour les Hommes d’État, il y a, comme l’a dit Napoléon, une petite et une grande morale. Les Scènes de la vie politique sont basées sur cette belle réflexion. L’histoire n’a pas pour loi, comme le roman, de tendre vers le beau idéal. L’histoire est ou devrait être ce qu’elle fut ; tandis que le roman doit être le monde meilleur, a dit madame Necker, un des esprits les plus distingués du dernier siècle. Mais le roman ne serait rien si, dans cet auguste mensonge, il n’était pas vrai dans les détails. Obligé de se con-