Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/327

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dans le bouquet de cheveux châtains qui retombe en gerbes sur sa tête. Ne voyez-vous pas ? elle est si pâle qu’on la croirait souffrante, elle est mignonne et toute petite ; maintenant, elle tourne la tête vers nous ; ses yeux bleus, fendus en amande et doux à ravir, semblent faits exprès pour pleurer. Mais, tenez donc ! elle se baisse pour regarder madame de Vaudremont à travers ce dédale de têtes toujours en mouvement dont les hautes coiffures lui interceptent la vue.

— Ah ! j’y suis, mon cher. Tu n’avais qu’à me la désigner comme la plus blanche de toutes les femmes qui sont ici, je l’aurais reconnue, je l’ai déjà bien remarquée ; elle a le plus beau teint que j’aie jamais admiré. D’ici, je te défie de distinguer sur son cou les perles qui séparent chacun des saphirs de son collier. Mais elle doit avoir ou des mœurs ou de la coquetterie, car à peine les ruches de son corsage permettent-elles de soupçonner la beauté des contours. Quelles épaules ! quelle blancheur de lis !

— Qui est-ce ? demanda celui qui avait parlé le premier.

— Ah ! je ne sais pas.

— Aristocrate ! Vous voulez donc, Montcornet, les garder toutes pour vous.

— Cela te sied bien de me goguenarder ! reprit Montcornet en souriant. Te crois-tu le droit d’insulter un pauvre général comme moi, parce que, rival heureux de Soulanges, tu ne fais pas une seule pirouette qui n’alarme madame de Vaudremont ? Ou bien est-ce parce que je ne suis arrivé que depuis un mois dans la terre promise ? Êtes-vous insolents, vous autres administrateurs qui restez collés sur vos chaises pendant que nous sommes au milieu des obus ! Allons, monsieur le maître des requêtes, laissez-nous glaner dans le champ dont la possession précaire ne vous reste qu’au moment où nous le quittons. Hé ! diantre, il faut que tout le monde vive ! Mon ami, si tu connaissais les Allemandes, tu me servirais, je crois, auprès de la Parisienne qui t’est chère.

— Général, puisque vous avez honoré de votre attention cette femme que j’aperçois ici pour la première fois, ayez donc la charité de me dire si vous l’avez vue dansant.

— Eh ! mon cher Martial, d’où viens-tu ? Si l’on t’envoie en ambassade, j’augure mal de tes succès. Ne vois-tu pas trois rangées des plus intrépides coquettes de Paris entre elle et l’essaim de danseurs qui bourdonne sous le lustre, et ne t’a-t-il pas fallu l’aide de