Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/501

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le gouvernement dans bien des occasions et renverserait des ministères ! — On va nommer le duc de Fitz-James à Toulouse. — Vous ferez gagner à monsieur de Watteville son procès ! — Si vous votez pour monsieur de Savarus, les républicains voteront avec vous plutôt que de voter avec les juste-milieu ! Etc., etc.

À neuf heures, Albert n’était pas encore venu. Madame de Watteville voulut voir une impertinence dans un pareil retard.

— Chère baronne, dit madame de Chavoncourt, ne faisons pas dépendre d’une vétille de si sérieuses affaires. Quelque botte vernie qui tarde à sécher… une consultation retiennent peut-être monsieur de Savarus.

Philomène regarda madame de Chavoncourt de travers.

— Elle est bien bonne pour monsieur de Savarus, dit Philomène tout bas à sa mère.

— Mais, reprit la baronne en souriant, il s’agit d’un mariage entre Sidonie et monsieur de Savarus.

Philomène alla brusquement vers une croisée qui donnait sur le jardin. À dix heures monsieur de Savarus n’avait pas encore paru. L’orage qui grondait éclata. Quelques nobles se mirent à jouer, trouvant la chose intolérable. L’abbé de Grancey, qui ne savait que penser, alla vers la fenêtre où Philomène s’était cachée et dit tout haut, tant il était stupéfait : — Il doit être mort ! Le vicaire-général sortit dans le jardin suivi de monsieur de Watteville, de Philomène, et tous trois ils montèrent sur le kiosque. Tout était fermé chez Albert, aucune lumière ne s’apercevait.

— Jérôme ! cria Philomène en voyant le domestique dans la cour. L’abbé de Grancey regarda Philomène. — Où donc est votre maître ? dit Philomène au domestique venu au pied du mur.

— Parti, en poste ! mademoiselle.

— Il est perdu, s’écria l’abbé de Grancey, ou heureux !

La joie du triomphe ne fut pas si bien étouffée sur la figure de Philomène qu’elle ne fût devinée par le vicaire-général qui feignit de ne s’apercevoir de rien.

— Qu’est-ce que Philomène a pu faire en ceci ? se demandait le prêtre.

Tous trois, ils rentrèrent dans les salons où monsieur de Watteville annonça l’étrange, la singulière, l’ébouriffante nouvelle du départ de l’avocat Albert Savaron de Savarus en poste, sans qu’on sût les motifs de cette disparition. À onze heures et demie, il ne