Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous voulez les pincettes, monsieur le marquis ? dit le notaire en les présentant à son client.

— Non, monsieur, je suis forcé de vous renvoyer. Madame veut aller rejoindre ses enfants, et je vais avoir l’honneur de l’accompagner.

— Déjà neuf heures ! Le temps passe comme l’ombre dans la compagnie des gens aimables, dit le notaire qui parlait tout seul depuis une heure.

Il chercha son chapeau, puis il vint se planter devant la cheminée, retint difficilement un hoquet, et dit à son client, sans voir les regards foudroyants que lui lançait la marquise : — Résumons nous, monsieur le marquis. Les affaires passent avant tout. Demain donc nous lancerons une assignation à monsieur votre frère pour le mettre en demeure ; nous procéderons à l’inventaire, et après, ma foi…

Le notaire avait si mal compris les intentions de son client, qu’il en prenait l’affaire en sens inverse des instructions que celui-ci venait de lui donner. Cet incident était trop délicat pour que Vandenesse ne rectifiât pas involontairement les idées du balourd notaire, et il s’ensuivit une discussion qui prit un certain temps.

— Écoutez, dit enfin le diplomate sur un signe que lui fit la jeune femme, vous me cassez la tête, revenez demain à neuf heures avec mon avoué.

— Mais j’aurais l’honneur de vous faire observer, monsieur le marquis, que nous ne sommes pas certains de rencontrer demain monsieur Desroches, et si la mise en demeure n’est pas lancée avant midi, le délai expire, et…

En ce moment une voiture entra dans la cour ; et au bruit qu’elle fit, la pauvre femme se retourna vivement pour cacher des pleurs qui lui vinrent aux yeux. Le marquis sonna pour faire dire qu’il était sorti ; mais le général, revenu comme à l’improviste de la Gaieté, précéda le valet de chambre, et parut en tenant d’une main sa fille dont les yeux étaient rouges, et de l’autre son petit garçon tout grimaud et fâché.

— Que vous est-il donc arrivé ? demanda la femme à son mari.

— Je vous dirai cela plus tard, répondit le général en se dirigeant vers un boudoir voisin dont la porte était ouverte et où il aperçut les journaux.

La marquise impatientée se jeta désespérément sur un canapé.