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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

embêtant, cette belle fille a cherché des compensations, et ils font ménage à trois. Ça se voit !

En ce moment Baruch et François arrivèrent.

— Vous n’êtes pas encore allé voir la Tour d’Issoudun ? demanda Flore à Joseph. Si vous vouliez faire une petite promenade en attendant le dîner, qui ne sera servi que dans une heure, nous vous montrerions la grande curiosité de la ville ?…

— Volontiers ? dit l’artiste incapable d’apercevoir en ceci le moindre inconvénient.

Pendant que Flore alla mettre son chapeau, ses gants et son châle de cachemire, Joseph se leva soudain à la vue des tableaux, comme si quelque enchanteur l’eût touché de sa baguette.

— Ah ! vous avez des tableaux, mon oncle ? dit-il en examinant celui qui l’avait frappé.

— Oui, répondit le bonhomme, ça nous vient des Descoings qui, pendant la Révolution, ont acheté la défroque des maisons religieuses et des églises du Berry.

Joseph n’écoutait plus, il admirait chaque tableau : — Magnifique ! s’écriait-il. Oh ! mais voilà une toile… Celui-là ne les gâtait pas ! Allons, de plus fort en plus fort, comme chez Nicolet…

— Il y en a sept ou huit très grands qui sont dans le grenier et qu’on a gardés à cause des cadres, dit Gilet.

— Allons les voir ! fit l’artiste que Maxence conduisit dans le grenier.

Joseph redescendit enthousiasmé. Max dit un mot à l’oreille de la Rabouilleuse, qui prit le bonhomme Rouget dans l’embrasure de la croisée ; et Joseph entendit cette phrase dite à voix basse, mais de manière qu’elle ne fût pas perdue pour lui :

— Votre neveu est peintre, vous ne ferez rien de ces tableaux, soyez donc gentil pour lui, donnez-les-lui.

— Il paraît, dit le bonhomme qui s’appuya sur le bras de Flore pour venir à l’endroit où son neveu se trouvait en extase devant un Albane, il paraît que tu es peintre…

— Je ne suis encore qu’un rapin, dit Joseph…

— Qué que c’est que ça ? dit Flore.

— Un commençant, répondit Joseph.

— Eh ! bien, dit Jean-Jacques, si ces tableaux peuvent te servir à quelque chose dans ton état, je te les donne… Mais sans les cadres. Oh ! les cadres sont dorés, et puis ils sont drôles ; j’y mettrai…