Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 10.djvu/418

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et de la décadence des principes. Quels sont en effet ces hommes qui sacrifient à des liaisons personnelles, à la crainte peut-être, les intérêts de la patrie ? Qui, au moment où l’égalité triomphe, osent tenter de l’anéantir dans cette enceinte ? On veut vous faire craindre les abus du pouvoir, de ce pouvoir national que vous avez exercé, et qui ne réside pas dans quelques hommes seulement. Qu’avez-vous fait que vous n’ayez fait librement, qui n’ait sauvé la République, qui n’ait été approuvé par la France entière ? On veut vous faire craindre que le peuple périsse victime des Comités qui ont obtenu la confiance publique, qui sont émanés de la Convention nationale, et qu’on veut en séparer ; car tous ceux qui défendent sa dignité, sont voués à la calomnie. On craint que les détenus ne soient opprimés : on se défie donc de la justice nationale, des hommes qui ont obtenu la confiance de la Convention nationale ; on se défie de la Convention qui leur a donné cette confiance, de l’opinion publique qui l’a sanctionnée. Je dis que quiconque tremble en ce moment est coupable ; car jamais l’innocence ne redoute la surveillance publique (On applaudit).

Je dois ajouter ici qu’un devoir particulier m’est imposé de défendre toute la pureté des principes contre les efforts de l’intrigue. Et à moi aussi on a voulu inspirer des terreurs ; on a voulu me faire croire qu’en approchant de Danton, le danger pourrait arriver jusqu’à moi ; on me l’a présenté comme un homme auquel je devais m’accoler, comme un bouclier qui pourrait me défendre, comme un rempart qui une fois renversé me laisserait exposé aux traits de mes ennemis. On m’a écrit, les amis de Danton m’ont fait parvenir des lettres, m’ont obsédé de leurs discours. Ils ont cru que le souvenir d’une ancienne liaison, qu’une foi antique dans de fausses vertus, me détermineraient à ralentir mon zèle et ma passion pour la liberté. Eh bien, je déclare qu’aucun de ces motifs n’a effleuré mon âme de la plus légère impression. Je déclare que s’il était vrai que les dangers de Danton dussent devenir les miens, que s’ils avaient fait faire à l’aristocratie un pas de plus pour m’atteindre, je ne regarderais pas cette circonstance comme une calamité publique. Que m’importent les dangers ! Ma vie est à la patrie ; mon cœur est exempt de crainte ; et si je mourais, ce serait sans reproche et sans ignominie (On applaudit à plusieurs reprises).

Je n’ai vu dans les flatteries qui m’ont été faites, dans les caresses de ceux qui environnaient Danton, que des signes certains de la terreur qu’ils avaient conçue, avant même qu’ils fussent menacés.

Et moi aussi j’ai été ami de Pétion ; dès qu’il s’est démasqué, je l’ai abandonné ; j’ai eu aussi des liaisons avec Roland ; il a trahi, et je l’ai dénoncé. Danton veut prendre leur place, et il n’est plus à mes yeux qu’un ennemi de la Patrie (Applaudissemens).

C’est ici sans doute qu’il nous faut quelque courage et quelque grandeur d’âme. Les âmes vulgaires ou les hommes coupables