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Séance du 8 thermidor An II

les ont absorbées dans un despotisme nouveau ; la nôtre, émanée de la justice, ne peut se reposer que dans son sein. La République, amenée insensiblement par la force des choses et par la lutte des amis de la liberté contre des conspirations toujours renaissantes, s’est glissée pour ainsi dire à travers toutes les factions ; mais elle a trouvé leur puissance organisée autour d’elle, et tous les moyens d’influence dans leurs mains ; aussi n’a-t-elle cessé d’être persécutée dès sa naissance dans la personne de tous les hommes de bonne foi qui combattaient pour elle. C’est que, pour conserver l’avantage de leur position, les chefs des factions et leurs agents ont été obligés de se cacher sous la forme de la République ; Précy à Lyon et Brissot à Paris, criaient Vive la République ! Tous les conjurés ont même adopté, avec plus d’empressement qu’aucun autre, toutes les formules, tous les mots de ralliement du patriotisme. L’Autrichien, dont le métier était de combattre la révolution ; l’Orléanais, dont le rôle était de jouer le patriotisme, se trouvèrent sur la même ligne, et l’un et l’autre ne pouvaient plus être distingués du républicain. Ils ne combattirent pas nos principes, ils les corrompirent ; ils ne blasphémèrent point contre la révolution, ils tâchèrent de la déshonorer sous le prétexte de la servir ; ils déclamèrent contre les tyrans, et conspirèrent pour la tyrannie ; ils louèrent la République, et calomnièrent les républicains[1]. Les amis de la liberté cherchent à renverser la puissance des tyrans par la force de la vérité ; les tyrans cherchent à détruire les défenseurs de la liberté par la calomnie ; ils donnent le nom de tyrannie à l’ascendant même des principes de la vérité. Quand ce système a pu prévaloir, la liberté est perdue ; il n’y a de légitime que la perfidie et de criminel que la vertu[2], car il est dans la nature même des choses qu’il existe une influence partout où il y a des hommes rassemblés.

  1. Lignes raturées : « Chaque crise nouvelle excitée par leurs intrigues ténébreuses ne fit que les forcer à adapter leurs moyens de nuire aux circonstances nouvelles, et à décrire un nouveau circuit pour arriver au même but. Voulez-vous savoir si les factions existent encore ? Demandez-vous si cette multitude d’intrigants dangereux, qui naguère désolaient la République avec autant d’audace que de perfidie, a disparu du sol de la liberté ; demandez-vous si une foule de chefs et d’agents fameux des factions diverses ne vivent point encore impunis et même protégés : demandez-vous si le système de contre-révolution, organisé au milieu de nous, pendant plusieurs années, par une politique profonde, a pu être détruit, et quel plan sage est constamment suivi pour le déraciner ; demandez-vous si on a cessé un seul instant d’entraver, de corrompre ou de calomnier les mesures que le salut public a commandées ; si les patriotes ne sont plus proscrits, calomniés, les fripons ouvertement protégés, les conspirateurs défendus, les principes de la morale publique proclamés seulement pour la forme, éludés dans la pratique, faussés dans l’application, et tournés contre ceux seuls qui les professent de bonne foi ; demandez-vous enfin si les factions ont fait autre chose que nuancer suivant les circonstances du moment leurs principaux moyens de conspiration, la corruption, la division et surtout la calomnie.» (Note orig.)
  2. Les 21 lignes qui suivent se trouvent sur une feuille sans chiffre, écrite de la main de Robespierre, dont le sens ne paraît devoir se rapporter qu’à la page 4 de la copie de son discours, après ces mots : et de criminel que la vertu (Note orig.)