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LES DISCOURS DE ROBESPIERRE

« II. L’accusé ne pourra être déclaré convaincu, toutes les fois que les preuves déterminées par la loi n’existeront pas.

« III. L’accusé ne pourra être condamné sur les preuves légales, si elles sont contraires à la connaissance et à la conviction intime des juges »[1]» .


Journal des Débats, t. XVI, n° 570, p. 2.


M. Robespierre a posé la question en ces termes : les preuves, les dépositions des témoins sur lesquelles les Juges asseoient les jugemens qui décident du sort des accusés, doivent-elles être fixées par l’écriture, ou ne doivent-elles être que des sons passagers de paroles fugitives qui, de la bouche des témoins, vont expirer dans l’esprit et dans le cœur des Juges ? Cette question ne peut être résolue sans remonter au véritable principe de toute institution judiciaire. En général, la procédure criminelle n’est autre chose que les précautions prises par la Loi contre la foiblesse ou les passions des Juges. Loin de considérer les Magistrats comme des êtres abstraits ou impassibles dont l’existence individuelle est parfaitement confondue avec l’existence publique, on sait que de tous les hommes, ce sont ceux que la Loi doit surveiller et enchaîner avec le plus de soin, parce que l’abus du pouvoir est le plus redoutable écueil de la foiblesse humaine.

Le Législateur se trouve placé dans un cas bien différent du Juge ; ce seroit une grande erreur de les comparer. Le Législiteur est exempt de passions et de partialité, parce qu’il statue sur les choses par les loix générales, et non sur les individus par des décisions particulières ; c’est à lui de diriger le Juge par des règles constantes. M. Robespierre est entré dans l’énumération de ces règles qui sont à la fois la sûreté de l’accusé et celle du Juge. Il a particulièrement insisté sur ces expressions mémorables, et d’une justice éternelle qu’emploie la Loi : Vous ne condamnerez personne si vous n’avez des preuves plus claires que le jour.

La Loi a même déterminé le genre de preuves sans lequel il ne leur est pas permis de condamner, quelle que fût la force de leur présomption intérieure ; il n’y a que le génie du despotisme qui puisse imaginer de suppléer à cela par la seule opinion, par les seules affections des Juges ; point de preuves légales sans l’écriture ; c’est elle qui atteste, qui consacre que les formes prescrites par la Loi ont été remplies, sans elle il n’y a plus qu’incertitude, obscurité arbitraire et despotisme.

Il faut donc qu’à la preuve matérielle que la Loi demande, se

  1. Texte reproduit dans le Moniteur, VII, 35-36, et les Arch. parl., XXII, 10.