Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 9.djvu/112

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OPINION
De Maximilien Robespierre
sur les subsistances
[1]

Parler aux représentants du peuple des moyens de pourvoir à sa subsistance, ce n’est pas seulement leur parler du plus sacré de leurs devoirs, mais du plus précieux de leurs intérêts. Car, sans doute, ils se confondent avec lui.

Ce n’est pas la cause des citoyens indigents que je veux plaider, mais celle des propriétaires et commerçants eux-mêmes.

Je me bornerai à rappeler des principes évidents, mais qui semblent oubliés. Je n’indiquerai que des mesures simples qui ont déjà été proposées, car il s’agit moins de créer de brillantes théories, que de revenir aux premières notions du bon sens.

Dans tout pays où la nature fournit avec prodigalité aux besoins des hommes, la disette ne peut être imputée qu’aux vices de l’administration ou des lois elles-mêmes ; les mauvaises lois et la mauvaise administration ont leur source dans les faux principes et dans les mauvaises mœurs.

C’est un fait généralement reconnu que le sol de la France produit beaucoup au-delà de ce qui est nécessaire pour nourrir ses habitants, et que la disette actuelle est une disette factice[2]. La conséquence de ce fait et du principe que j’ai posé peut être fâcheuse, mais ce n’est pas le moment de nous flatter.

Citoyens, c’est à vous qu’est réservée la gloire de faire triompher les vrais principes, et de donner au monde des lois justes. Vous n’êtes point faits pour vous traîner servilement dans l’ornière des préjugés tyranniques, tracée par vos devanciers, ou plutôt vous commencez une nouvelle carrière où personne ne vous a devancés. Vous devez soumettre du moins à un examen sévère toutes les lois faites sous le despotisme royal, et sous les auspices de l’aristocratie nobiliaire, ecclésiastique ou bourgeoise ; et jusques ici, vous n’en avez point d’autres. L’autorité la plus impo-

  1. Brochure in-8° 15 p., Imp. nat., 1792 (B.N. Le38 2258, Bibl. Sorbonne, H Fr 140, Arch. nat., AD xviii a 60, Bibl. Ch. des Députés, Coll. Portiez, de l’Oise, t. 493, n° 7, et t. 112, n° 3). Robespierre a publié ce discours dans « les Lettres à ses commettans » (n° 9, p. 391-409). C’est ce texte que nous reproduisons ; il est identique à celui du discours imprimé par la Convention. Laponneraye l’a publié (II, 459-473) ainsi que Buchez et Roux (XXII, 175). E. Hamel l’analyse et le commente (II, 349-351) ; G. Walter le signale, p. 730.
  2. Voir la pétition du département du Var citée ci-dessus, n. 1 : « On avait voulu nous affamer en 89, on essaie encore ce ressort use… » Bien entendu, par disette factice, on entendait l’accaparement et la spéculation à la hausse.