Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 9.djvu/117

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sont proposés : le premier est de prendre les précautions nécessaires pour constater la quantité de grains qu’a produite chaque contrée, et celle que chaque propriétaire ou cultivateur a récoltée[1]. Le second consiste à forcer les marchands de grains à les vendre au marché, et à défendre tout transport des achats durant la nuit. Ce n’est ni la possibilité, ni l’utilité de ces précautions qu’il faut prouver ; car, ni l’une, ni l’autre n’est contestée. Est-ce la légitimité ? Mais comment pourroit-on regarder comme une atteinte à la propriété des règles de police générale, commandées par l’intérêt de la société ?

Eh ! quel est le bon citoyen qui peut se plaindre d’être obligé d’agir avec loyauté et au grand jour ? A qui les ténèbres sont-elles nécessaires si ce n’est aux conspirateurs et aux frippons ? D’ailleurs, ne vous ai-je pas prouvé que la société avoit le droit de réclamer la portion qui est nécessaire à la subsistance des citoyens ? Que dis^je ? c’est le plus sacré de ses devoirs. Comment donc les lois nécessaires pour en assurer l’exercice seroient-elles injustes ?

J’ai dit que les autres causes des opérations désastreuses du monopole, étaient la liberté indéfinie et l’impunité. Quel moyen plus sûr d’encourager la cupidité et de la dégager de toute espèce de frein, que de poser en principe que la loi n’a pas même le droit de la surveiller, de lui imposer les plus légères entraves ? Que la seule règle qui lui soit prescrite c’est le pouvoir de tout oser impunément ? Que dis-je ? Tel est le degré de perfection auquel cette théorie a été portée, qu’il est presqu’établi que les accapareurs sont impeccables ; que les monopoleurs sont les bienfaits de l’humanité ; que, dans les querelles qui s’élèvent entr’eux et le peuple, c’est le peuple qui a toujours tort. Ou bien le crime du monopole est impossible, ou il est réel ; si c’est une chimère, comment est-il arrivé que de tout tems on ait cru à cette chimère ? Pourquoi avons-nous éprouvé ses ravages dès les premiers tems de notre révolution ? Pourquoi des rapports non-suspects, et des faits incontestables, nous dénoncent-ils ses coupables manœuvres ? S’il est réel, par quel étrange privilège obtient-il seul le droit d’être protégé ? Quelles bornes les vampires impitoyables qui spéculeraient sur la misère publique, mettraient-ils à leurs attentats, si, à toute espèce de réclamation, on opposait sans cesse des baïonnettes et l’ordre absolu de croire à la pureté et à la bienfaisance de tous les accapareurs ? La liberté indéfinie n’est autre chose que l’excuse, la sauvegarde et la cause de cet abus. Comment pourrait-elle en être le remède ? De quoi se plaint-on ? précisément des maux qu’a produits le système actuel, ou du moins des maux qu’il n’a pas pu prévenir ? et quel remède nous propose-t-on ? Le système actuel. Je vous dénonce les assassins du peuple, et vous répondez : laissez les

  1. Voir le discours de Faye, du 29 nov.