Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 9.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bonne heure, épouvanté les citoyens du fantôme d’une loi agraire[1] ; ils ont séparé les intérêts des riches de ceux des pauvres ; ils se sont présentés aux premiers comme leurs protecteurs contre les sans-culottes ; ils ont attiré à leur parti tous les ennemis de l’égalité. Maîtres du gouvernement & de toutes les places, dominant dans les tribunaux & les corps administratifs ; dépositaires du trésor public, ils ont employé toute leur puissance à arrêter les progrès de l’esprit public, à réveiller le royalisme, & à ressusciter l’aristocratie ; ils ont opprimé les patriotes énergiques, protégé les modérés hypocrites ; ils ont corrompu successivement les défenseurs du peuple, attaché à leur cause ceux qui montraient quelque talent, & persécuté ceux qu’ils ne pouvaient séduire. Comme la république pouvait-elle subsister, quand toute la puissance publique s’épuisait pour décourager la vertu, & pour récompenser l’incivisme & la perfidie ?

La faction dominante aujourd’hui était formée long-temps avant la Convention nationale. A la fin de juillet dernier, ils négociaient avec la cour, pour obtenir le rappel des ministres qu’ils avaient fait nommer au mois de janvier précédent[2]. L’une des conditions du traité était la nomination d’un gouverneur au prince royal ; il n’est pas nécessaire de dire que le choix devait porter sur l’un d’entr’eux. A la même époque, ils s’opposaient de tout leur pouvoir à la déchéance de Louis, demandée par le peuple & par les fédérés ; ils firent décréter un message & des représentations au roi. Ils n’ont rien négligé pour empêcher la révolution du 10 août ; dès le lendemain, ils travaillèrent efficacement à en arrêter le cours. Le jour même du 10, ils firent tout ce qui était en eux, pour que le ci-devant roi ne fut pas enfermé au Temple ; ils tachèrent de nous rattacher à la royauté, en faisant décréter par l’assemblée législative, qu’il serait nommé un gouverneur au prince. A ces faits, consignés dans les actes publics, & dans l’histoire de notre révolution, vous reconnaissez déjà les Brissot, les Guadet, les Vergniaux, les Gensonné, & d’autres agens hypocrites de la même coalition.[3]

En même-tems, ils n’oublièrent rien pour déshonorer la révolution

  1. Voir ci-dessous, discours du 24 avril 1793 : « Vous devez savoir que cette loi dont on a tant parlé, n’est qu’un fantôme inventé par les fripons pour épouvanter les imbéciles ».
  2. Sur les négociations des Girondins avec la Cour, à la veille du 10 août, par l’intermiédiaire du peintre Boze, voir Mon., XY, 4l ; XVI, 501. Le choix des ministres girondins est du 15 mars et non de janvier 1792, à moins que Robespierre ne fasse allusion à Narbonne, dont Brissot, en particulier, favorisa l’accession au ministère én décembre 1791.
  3. Robespierre à déjà développé ces argument sur l’attitude des girondins an 10 août, dans son discours du 5 novembre 1792. (Cf. ci-dessus, à la date.)