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Séance du 10 avril 1793

désorganisateurs commis pour semer le trouble dans l’armée ; mais quoi de plus facile aux généraux que de les réprimer, que de maintenir une discipline sévère, si tous les généraux perfides n’avaient besoin de ces moyens, pour exécuter et pour pallier leurs trahisons. Lafayette aussi entretenait, autant qu’il était en lui, des désordres dans son armée, pour la calomnier, pour la dissoudre, et pour perdre la liberté ; il n’avait oublié qu’une chose ; c’était de débuter, comme Dumouriez, par un succès.

Enfin Dumouriez a levé l’étendard de la révolte, il menace de marcher vers Paris, pour ensevelir la liberté sous ses ruines ; il déclare qu’il veut protéger les ennemis de la liberté que la Convention renferme dans son sein contre les députés attachés à la cause du peuple, qu’il appelle aussi des anarchistes et des agitateurs ; il ne dissimule pas le projet de rétablir la royauté[1]. Après avoir fait égorger une partie de l’armée, il trompe l’autre, et s’efforce de la débaucher, après l’avoir calomnié à son insu. Fier du succès de ses trahisons, gorgé des trésors qu’il a puisé dans la Hollande, dans la Belgique et dans les caisses nationales dont il s’est emparé ; fort de son alliance avec nos ennemis, à qui il a livré nos magasins ; fort de l’appui des Belges qu’il a armé contre nous, il cherche à jeter le découragement dans la nation ; il s’efforce de déshonorer le peuple français et nos braves défenseurs aux yeux des peuples étrangers ; il nous annonce hautement qu’il ne nous reste aucunes ressources. Dans ses lettres officielles à Beurnonville[2], il parle avec une joie insolente des troubles qui allaient éclater au milieu de nous ; il en présage de nouveaux ; il nous montre déjà les départemens du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme en état de contre-révolution ; il déclare en propres termes que nous ne pourrons tenir tête à nos ennemis étrangers, parce que nous serons obligés d’employer nos forces à réprimer ceux du dedans. Il nous montre en même temps toutes nos places sans défenses ; et il ose nous déclarer que nous n’avons d’autre parti à prendre que de demander la paix, et de transiger avec les despotes ; que dis-je ? Il ose se montrer lui-même comme médiateur.

Tel était le coupable secret de la conspiration tramée depuis long-temps contre notre liberté. Le chef de la faction l’a dévoilé au moment où il croyait pouvoir l’exécuter avec succès. En effet, tout semblait diposer pour la favoriser. Un ministre de la guerre audacieux et hypocrite avait été nommé tout exprès par la faction, pour les

  1. Lettre du 28 mars.
  2. Sur cette correspondance de Dumouriez avec le minière de la Guerre, cf. A. Chuquet : La trahison de Dumouriez.