Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/258

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EUTHYPHRON

Non, je n’en ai pas idée, Socrate. Mais enfin, quelle accusation a-t-il portée contre toi?

SOCRATE

Quelle accusation ? Une accusation qui dénote un certain mérite ; car le fait de s’être rendu compte, à son âge, d’une affaire si importante n’est pas d’un homme ordinaire. Ce jeune homme, en effet, d’après ce qu’il déclare, sait de quelle façon on corrompt les jeunes gens et qui sont ceux qui les corrompent. Il y a des chances que ce soit un sage. Il s’est aperçu de mon ignorance et, persuadé que je corromps les gens de son âge, il vient m’accuser devant la ville, comme devant la mère commune. Il me paraît être le seul qui en matière politique s’y prenne comme il faut. Il faut en effet commencer par s’occuper des jeunes gens pour les rendre aussi vertueux qu’ils peuvent l’être, comme un bon laboureur donne naturellement ses premiers soins aux jeunes plants, avant de s’occuper des autres. Sans doute Mélètos fait comme le laboureur : il commence le nettoyage de la cité par nous, qui corrompons la jeunesse qui pousse, comme il dit. Quand il aura fait cela, nul doute qu’il n’étende ses soins aux plus vieux et que l’État ne lui doive des biens sans nombre et du plus haut prix : on ne peut attendre moins d'un homme qui a si bien commencé.

EUTHYPHRON

II. — Je le voudrais, Socrate ; mais j’ai peur que ce ne soit le contraire qui arrive. Il me semble tout bonnement à moi qu’en cherchant à te faire du mal, il attaque, dès son début, la cité dans ses œuvres vives. Et maintenant, dis-moi, que fais-tu, d’après lui, qui corrompe la jeunesse?

SOCRATE

Des choses qui paraissent étranges à première vue, mon admirable ami. Il prétend que je suis un faiseur de dieux, et c’est parce que je fais des dieux nouveaux et que je