Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/340

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République il la prend au sérieux et en fait le fondement de la justice dans la cité idéale. Platon ressemble ici à un de ces jeunes gens dont parle Socrate dans l’Apologie (23 c), qui prennent plaisir à confondre leurs interlocuteurs et à les convaincre d’ignorance. Il s’en donne à cœur joie de raisonner, d’abuser des mots, d’égarer l’auditeur dans des subtilités inextricables et d’entasser les abstractions au lieu de considérer la réalité des choses. Ce sont des défauts qui ôtent de sa valeur à un ouvrage qui est de premier ordre au point de vue littéraire.

Rien de plus gracieux que l’introduction, où l’attrait de la beauté n’a jamais été dépeint d’un pinceau plus délicat et plus charmant, où le comique se mêle à la grâce, où l’imagination le dispute au naturel le plus exquis. L’idée de l’incantation thrace, reprise à la fin, est une invention aussi captivante qu’originale. Les personnages aussi nous intéressent, et nous intéressent d’autant plus que deux d’entre eux sont des parents de Platon. Charmide, frère de Périctioné et fils de Glaucon, était l’oncle de Platon. Il est dépeint au moment plein de promesses où il arrive à l’adolescence. C’est le jeune homme le plus beau d’Athènes ; il est si beau que non seulement les hommes faits et les jeunes gens de son âge, mais les enfants mêmes ne peuvent le quitter des yeux, et à la beauté physique il joint la beauté morale et les dons de l’esprit : il est le plus sage des jeunes gens de son âge, il aime la philosophie et il est doué pour la poésie. C’est ainsi qu’il est dépeint avant de paraître, et son langage ne démentira pas ce portrait. Quand Socrate lui demande s’il est sage, il répond avec une diplomatie digne de sa sagesse qu’il n’ose ni se louer lui-même ni démentir le jugement qu’on porte de lui. Il est fin et malicieux et, quand il se sent incapable de tenir tête à Socrate, il s’y prend adroitement pour se substituer son tuteur. Nous le retrouvons à la fin conquis par Socrate, dont il veut se faire le disciple et auquel il s’impose avec une grâce mutine. Le même Charmide, devenu homme fait, apparaît dans les Mémorables, III, 8, où Socrate, qui professe pour ses talents