Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/365

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ce qu’ils savent et croient savoir, le sachant réellement, et ce qu’ils croient savoir, alors qu’ils ne le savent pas, tandis qu’aucun autre n’en sera capable. En réalité, donc, être sage, la sagesse et la connaissance de soi-même, c’est savoir ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas. Est-ce bien là ta pensée ?

— Oui, dit-il.

— Revenons maintenant en arrière, dis-je, et, faisant notre troisième libation à Zeus Sauveur, examinons, comme si nous commencions, s’il est possible, oui ou non, de savoir qu’on a ou qu’on n’a pas la connaissance de ce qu’on sait et de ce qu’on ne sait pas, et, ensuite, à supposer qu’à la rigueur cela soit possible, à quoi il nous servirait de le savoir.

— Eh bien, examinons, dit-il.

— Allons, Critias, dis-je, vois si tu as en ces matières des clartés que je n’ai pas. je suis en effet embarrassé. Veux-tu en savoir la cause ?

— Oui, dit-il.

— Si tout ce que tu viens de dire est exact, est-ce que cela ne revient pas à dire qu’il existe une science qui n’a d’autre objet qu’elle-même et les autres sciences et qui est en même temps la science de l’ignorance ?

— Si, dit-il.

— Vois donc, camarade, quelle étrange théorie nous nous chargeons de soutenir. Essaye de l’appliquer à d’autres objets et tu verras, je pense, qu’elle est insoutenable.

— Comment cela, et à quels objets ?

— Voici. Demande-toi si tu peux concevoir une vue qui ne soit pas la vue des choses qu’aperçoivent les autres vues, mais qui serait la vue d’elle-même et des autres vues et aussi de ce qui n’est pas vue, qui ne verrait aucune couleur, bien qu’elle soit une vue, mais qui se percevrait elle-même et les autres vues. Crois-tu qu’une pareille vue puisse exister ?

— Non, par Zeus.

— Conçois-tu aussi une ouïe qui n’entendrait aucune