Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/391

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nobles, de belles amours que tu as trouvées là ! Mais voyons, répète les propos que tu tiens devant ces jeunes gens, afin que je voie si tu sais ce qu’un amant doit dire de ses amours, soit à son bien-aimé, soit à d’autres.

— Socrate, répondit-il, est-ce que tu t’arrêtes à ce qu’il dit ?

— Vas-tu nier, lui dis-je, que tu aimes l’enfant dont il parle ?

— Non pas, dit-il, mais je n’écris pour lui ni vers ni prose.

— Il a perdu le sens, reprit Ctèsippe ; il extravague, il est fou. »

II. — Je repris : « O Hippothalès, ce n’est ni tes vers ni tes chants, si tu en as composé pour le jeune homme, que je demande à entendre ; c’est la pensée que j’en veux connaître, pour voir comment tu te comportes à l’égard de ton bien-aimé.

— Ctèsippe te dira bien cela, répondit-il ; car il doit le savoir et s’en souvenir exactement, s’il est vrai, comme il le prétend, qu’il est assourdi de me l’entendre répéter.

— Oui, par les dieux, s’écria Ctèsippe, je puis le dire, et c’est tout à fait drôle, Socrate. Voilà un amant qui applique à ses amours la meilleure partie de ses pensées, et qui ne trouve rien à en dire de particulier qu’un enfant même ne puisse dire : n’est-ce pas drôle ? Les histoires que toute la ville ressasse sur Démocrate et sur Lysis, le grand-père de l’enfant, et sur tous ses ancêtres, leurs richesses, leurs écuries, leurs victoires à Delphes, à l’Isthme, à Némée, aux courses de chars ou de chevaux, il répète tout cela en vers et en prose, avec des rogatons encore plus rebattus que ceux-là. L’autre jour, c’est un poème sur la visite d’Héraclès qu’il nous a débité : il y relatait comment l’ancêtre de leur maison avait reçu Héraclès, en vertu de sa parenté avec lui, étant né lui-même de Zeus et de la fille du fondateur de leur dème, histoires ressassées par les vieilles femmes, et mainte autre semblable, Socrate. Voilà ce qu’il met en vers et en prose et nous force nous-mêmes à écouter. »