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SALLUSTE.

Le projet que j’ai formé, déjà vous en avez tous été instruits en particulier. Oui, de jour en jour s’enflamme mon courage, lorsque je considère quelle existence nous est réservée si nous ne savons conquérir notre liberté. Depuis que le gouvernement est tombé aux mains et au pouvoir d’un petit nombre d’hommes puissants, les rois, les tétrarques, sont devenus leurs tributaires : les peuples, les nations, leur payent des impôts ; et nous autres, tous tant que nous sommes, pleins de courage, de vertu, nobles ou roturiers, nous avons été une vile populace, sans crédit, sans influence, à la merci de ceux que nous ferions trembler si la république était ce qu’elle doit être. Aussi crédit, puissance, honneurs, richesses, tout est pour eux et pour leurs créatures : à nous ils laissent les exclusions, les accusations, les condamnations, l’indigence.

Jusques à quand, ô les plus courageux des hommes ! souffrirez-vous de tels affronts ? Ne vaut-il pas mieux mourir avec courage que de perdre honteusement une vie misérable et déshonorée, après avoir servi de jouet à l’orgueil de nos tyrans ? Mais qu’ai-je dit ; j’en atteste les dieux et les hommes ! la victoire est dans nos mains ; nous avons la force de l’âge, la vigueur de l’âme ; chez eux, au contraire, surchargés d’ans et de richesses, tout a vieilli. Il ne s’agit que de mettre la main à l’œuvre, le reste ira de soi-même. En effet, qui peut, s’il a un cœur d’homme, les voir sans indignation regorger de richesses, qu’ils prodiguent à bâtir sur la mer, à aplanir des montagnes, tandis que nous manquons des choses les plus nécessaires à la vie ? à élever deux palais (48) ou plus à la suite l’un de