Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/334

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commander à toutes les nations, est venu à se désorganiser (13) ; et, au lieu d’une part dans l’autorité publique, chacun s’est créé sa servitude particulière. Or cette multitude, d’abord infectée de mauvaises mœurs, puis adonnée à une diversité infinie de métiers et de genres de vie, composée d’éléments incohérents, est, à mon avis, bien peu propre au gouvernement de l’État. Cependant, après l’introduction de nouveaux citoyens, j’ai grand espoir que tous se réveilleront pour la liberté, puisque chez les uns naîtra le désir de conserver cette liberté, et chez les autres celui de mettre fin à leur servitude. Je pense donc que, ces nouveaux citoyens mêlés avec les anciens, vous pourrez les établir dans les colonies (14) : ainsi s’accroîtront nos forces militaires, et le peuple, occupé des travaux honorables, cessera de faire le malheur public.

VI. Mais je n’ignore pas, je ne me cache pas combien l’exécution de ce plan excitera la fureur et les emportements des nobles : alors ils s’écrieront avec indignation que l’on bouleverse tout, que c’est imposer une servitude aux anciens citoyens, qu’enfin c’est transformer en royaume une cité libre, si par le bienfait d’un seul une multitude nombreuse parvient au droit de cité. Quant à moi, j’établis en principe que celui-là se rend coupable d’un grand crime, qui obtient la popularité au détriment de la république ; mais, du moment où le bien public tourne aussi à l’avantage particulier, hésiter à l’entreprendre, c’est, à mon avis, indolence, c’est lâcheté. M. Livius Drusus (15), dans son tribunal, eut constamment en vue de travailler de toute sa puissance pour la noblesse, et, dans le