Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/340

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décisions, c’est dans la sagesse que les sénateurs trouvent leur force ; le peuple n’a pas besoin de tant de sagacité. Aussi nos ancêtres, accablés sous le poids des guerres les plus rudes, après la perte de leurs soldats, de leurs chevaux, de leur argent, ne se lassèrent jamais de combattre armés pour l’empire : ni l’épuisement du trésor public, ni la force de l’ennemi, ni les revers, rien ne fit descendre leur cœur indomptable à penser que, tant qu’il leur resterait un souffle de vie, ils pussent céder ce qu’ils avaient acquis par leur courage. Et c’est la fermeté dans leurs conseils, bien plus que le bonheur des armes, qui leur a valu tant de gloire. Pour eux, en effet, la république était une ; elle était le centre de tous les intérêts, et il n’y avait de ligues que contre l’ennemi ; et, si chacun déployait toutes les facultés de l’esprit et du corps, c’était pour la patrie, et non pour son ambition personnelle.

Aujourd’hui, au contraire, les nobles, vaincus par l’indolence et la lâcheté, ne connaissent ni les fatigues, ni l’ennemi, ni la guerre ; ils forment dans l’État une faction compacte, armée, qui gouverne avec insolence toutes les nations. Aussi le sénat, dont la sagesse faisait autrefois le soutien de la république en ses dangers ; opprimé désormais, flotte çà et là, poussé par le caprice d’autrui, décrétant aujourd’hui une chose, demain tout le contraire : c’est au gré de la haine et de l’arrogance de ceux qui dominent qu’il prononce qu’une chose est utile ou nuisible à l’intérêt public.

XI. Si tous les sénateurs avaient une égale liberté, et leurs délibérations moins de publicité, le gouvernement de l’État au-