Par les grilles, là-bas, à travers les champs calmes
Elle regarde fuir la route grise et plate,
Et voici que paraît en manteau d’écarlate
Un cavalier portant des roses et des palmes.
« Viens, ô dame en deuil, vers les vallons
De joie et de paix ; allons ensemble
Cueillir aux jardins des Avallons
La fleur en exil qui te ressemble.
« Viens, à mon baiser qui t’implorait
Des lèvres de reine étaient amères :
Pour venir à toi, dans la forêt
J’ai tué la Guivre et les Chimères.
« Viens ! Dans des pays blonds de soleil,
Nous nous aimerons sur l’or des grèves…
Notre amour sera comme un sommeil
Où nous deviendrons nos propres rêves. »
Elle, le regard plein de clémences souffrantes,
Tend son bras vers la plaine heureuse et monotone :
« Cavalier, tes chansons d’amour sont enivrantes
Et splendides ainsi que les raisins d’automne.
« Mais ton âme aurait peur dans mon âme nocturne.
Ô cavalier, je ne suis pas celle qu’on aime.
Va-t’en ! je veux rester la veuve taciturne
De mes rêves d’antan que j’ai tués moi-même.
Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/60
Apparence
Cette page a été validée par deux contributeurs.