Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le vrai stimulus (aiguillon ou principe du mouvement) de la matière est la privation, se réduit à des mots qui semblent désigner quelque chose, et qui dans le fait ne désignent rien du tout. Quant à ceux qui rapportent tout à Dieu, c’est avec raison qu’ils le font ; car tout doit se terminer là ; mais, au lieu de s’élever par degrés comme ils le devraient, ils sautent pour ainsi dire à la cause première. Il n’est pas douteux que la loi sommaire et unique dont toutes les autres ne sont que des cas particuliers, et qui, par son universalité, constitue la véritable unité de la nature, ne soit subordonnée à Dieu. C’est cette loi même dont nous parlions plus haut, et qui est comprise dans ce peu de mots : l’œuvre que Dieu a exécutée depuis le commencement jusqu’à la fin. Quant à Démocrite, qui remonte plus haut que tous les autres philosophes ; après avoir donné à l’atome un commencement de dimension et une figure, il ne lui attribue qu’un seul Cupidon, c’est-à-dire qu’un seul mouvement primitif et absolu, auquel il joint un mouvement relatif : car son sentiment est que tous les atomes, en vertu de leur mouvement propre, tendent à se porter vers le centre du monde ; mais que ceux qui ont plus de masse, se portant avec plus de vitesse vers ce centre et frappant ceux qui en ont moins, les déplacent, et les forcent ainsi à se mouvoir en sens contraire, c’est-à-dire vers la circonférence. Mais cette hypothèse, n’embrassant que la moindre partie des considérations nécessaires, nous paraît étroite et superficielle ; car ni le mouvement circulaire des corps célestes, ni les mouvements, soit expansifs, soit contractifs, qu’on observe dans une infinité de corps, ne peuvent être ramenés à ce principe unique, et il paraît impossible de les concilier avec un tel mouvement. Quant au mouvement de déclinaison et à la fortuite agitation de l’atome imaginés par Épicure, ce n’est qu’une supposition gratuite, une opinion aussi frivole qu’absurde, et un aveu indirect de son ignorance sur ce point. Ainsi il paraît que ce Cupidon est enveloppé d’une nuit profonde, et beaucoup plus difficile à découvrir qu’il ne serait à souhaiter. Ainsi donc, abandonnant pour le moment la recherche de sa nature, passons à celle de ses attributs. Rien de plus ingénieux que cette fiction qui suppose que Cupidon est dans une éternelle enfance ; car les composés qui ont un certain volume sont sujets à vieillir, au lieu que les premières semences des choses, les atomes, dis-je, étant infiniment petits, demeurent pour ainsi dire dans une perpétuelle enfance. C’est aussi avec d’autant plus de fondement qu’on le suppose nu, qu’aux yeux de tout homme qui se fait une juste idée des composés ils paraissent comme vêtus et masqués. À proprement parler, il