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LIVRE PREMIER.

fiance de nous-même, et, en attendant, de jeter à la postérité quelques semences de vérités plus pures, et de n’avoir épargné aucun soin pour ébaucher une aussi grande entreprise.

CXVII. Par la même raison que nous ne sommes point fondateur de secte, nous ne sommes non plus ni donneur ni prometteur de procédés particuliers, de petites recettes. Il est toutefois ici deux objections qu’on voudra peut-être tourner contre nous, qui parlons si souvent de pratique, d’exécution, et qui rebattons sans cesse ce sujet-. Nous-même, nous dira-t-on, donnez-nous donc quelque nouveau moyen d’une utilité frappante, et qui soit une sorte de garantie de vos promesses. Notre méthode, répondrons-nous, notre véritable marche (comme nous l’avons si clairement, si souvent dit, et comme nous aimons à le redire) n’est rien moins que d’extraire des procédés déjà connus d’autres procédés, des expériences déjà faites d’autres expériences, à la manière des empiriques ; mais de déduire d’abord des expériences et des procédés déjà connus les causes et les axiomes, puis, de ces axiomes et de ces causes, de nouvelles expériences et de nouveaux procédés, seule marche qui convienne à de légitimes interprètes de la nature.

Et quoique dans ces tables d’invention (dont est composée la quatrième partie de notre Restauration) ainsi que parmi ces faits particuliers qui nous servent d’exemples (dans la seconde), enfin parmi ces observations que nous avons fait entrer dans notre histoire naturelle (et qui forment la troisième partie), il soit facile, avec un peu de pénétration et d’intelligence, d’apercevoir un assez grand nombre d’indications de procédés utiles et de pratiques importantes, cependant, nous le confessons ingénument, cette histoire naturelle qui est entre nos mains, soit que nous l’ayons puisée dans les livres ou que nous la devions à nos propres recherches, ne nous paraît ni assez complète ni assez vérifiée pour suffire ou aider a une légitime interprétation de la nature.

Si quelqu’un, pour ne s’être encore familiarisé qu’avec la seule expérience, se sent plus de goût, d’aptitude et de sagacité pour cette recherche des procédés nouveaux, nous lui abandonnons volontiers cette sorte d’industrie, il peut, s’il lui plaît, dans notre histoire et dans nos tables, glaner en passant bien des observations et des vues utiles, s’en saisir pour les appliquer aussitôt à la pratique, et s’en contenter comme d’une acquisition provisoire et d’une sorte de gage, en attendant que nos ressources soient plus multipliées. Pour nous, qui tendons à un plus grand but, nous condamnons tout délai, toute pause prématurée dans des applications de cette nature, les regardant comme les pommes d’Atalante, aux-