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LIVRE DEUXIÈME

sciences par les fondements qui touchent de plus près à l'éxécution, afin que la pratique détermine, sanctionne, pour ainsi dire, la théorie, en lui imprimant son propre caractère. Voyons donc, en supposant qu’on voulût introduire une nouvelle nature dans un corps donné, quel genre de précepte, de direction, de conséquence pratique on préférerait. Et, ce précepte, tâchons de l’énoncer avec toute la clarté possible.


Par exemple, supposons qu’un homme voulût donner à l’argent la couleur jaune de l’or, ou augmenter considérablement sa pesanteur spécifique ( sans déroger toutefois aux lois de la matière ), ou encore rendre transparente une pierre opaque, ou rendre le verre malléable, ou enfin faire végéter un corps non végétant ; voyons, dis-je, quel précepte, quelle règle cet homme souhaiterait qu’on lui donnât. Il souhaiterait certainement qu’on lui indiquât un procédé dont le succès fût infaillible et qui ne trompât jamais son attente. En second lieu, il voudrait que la marche qui lui serait prescrite ne le mît point trop a l’étroit en l’astreignant a certains moyens ou procédés particuliers ; car il se pourrait qu’il n’eût pas actuellement ces moyens en sa disposition, ni la facilité de se les procurer, et si par hasard, outre les moyens particuliers qu’on lui aurait prescrits, il en existait d’autres suffisant pour produire une telle nature et qui fussent en sa disposition ou à sa portée, ces moyens-la, étant exclus par ce précepte trop limité, lui deviendraient inutiles. En troisième lieu, il souhaiterait que le procédé qu’on lui indiquerait fût moins difficile que l’opération même qui serait le sujet de sa recherche ; en un mot, qu’on lui indiquât quelque chose qui touchât de plus près à la pratique. Si donc nous résumons en peu de mots toutes les conditions que doit réunir le précepte exact et complet, nous trouverons qu’elles se réduisent aux trois suivantes certitude, liberté et facilité, relativement à la pratique.


Or l’invention d’un tel précepte et la découverte de la véritable forme ne sont qu’une seule et même chose En effet, la forme d’une nature quelconque est telle que, cette forme étant supposée, la nature donnée s’ensuit infailliblement. .Ainsi, partout ou la nature donnée est présente, cette forme est présente aussi, elle l’affirme universellement, et elle se trouve dans tous les sujets ou se trouve cette nature. Par la même raison, cette forme est telle que, des qu’elle est ôtée d’un sujet, la nature donnée disparaît infailliblement. Ainsi, partout ou la nature donnée est absente, cette forme est absente aussi, elle la nie universellement, et elle ne se trouve que dans les sujets doués de cette nature. Enfin, la véri-