Page:Œuvres de Blaise Pascal, II.djvu/135

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SECONDE LETTRE DU P. NOËL A PASCAL il»

nuez sa lerre, ou augmentez son feu, vous le raréfiez; et si vous séparez totalement le feu de la terre et la terre du feu, vous aurez du rare dans un espace du monde, et dans l'autre du dense. Faisons que celuy-ci soit d'un pied et celuy la de quatre, avec pareil nombre d'atomes naturels, les deux joints ensemble sans se mesler tien- dront une place de cinq pieds : qu'ils soient meslez et confondus par ensemble, et prenez toutes les petites places que tient le feu, elles ne feront jamais toutes ensem- ble qu'une place de quatre pieds ; prenez toutes celles que tient la terre, elles n'en feront qu'une d'un pied, et toutes deux ensemble une de cinq pieds.

Ce qui faict croire qu'un mesme corps, sans rien perdre ou acquérir, ayt tantost plus, tantost moins de place, est l'insensibilité du corps [qu'il]^ perd ou acquiert; le sens est trompé, mais il est corrigé par la raison : nous ne sentons pas ce qui est dans un balon enflé ; tou- tesfois nous jugeons qu'il est plain de quelque corps, à cause qu'il résiste quand on le presse ; et puis, cher- cbans quel peut estre ce corps, nous trouvons que c'est celuy que nous appelons air ; de mesme, voyans que la lumière passe à travers une bouteille de verre, nous jugeons qu'elle contient en soy un corps transparent. Or, tout ainsi que le balon s'enfle quand^ [l'air y entre, et au contraire, quand] il en sort, de mesme un corps meslé tient plus de place quand il se remplit d'un autre invisi- ble, et moins quand il le quitte.

Ces expériences cy dessus montrent que les éléments sont meslez, et la comparaison des liqueurs, qu'on

��1. Man. : Qui le.

2. La copie manuscrite donne par une erreur évidente : s'enfle quand il en sort.

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