Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/261

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et accomplie de faire les actions de pieté. Qui doute que Molina n’intervienne là-dessus, et ne vous die, que puis que c’est un article de foy, que sans la grâce efficace par elle-mesme l’homme a la puissance prochaine et accomplie de faire toutes les œuvres du salut, il s’ensuit que la grâce efficace par elle-mesme n’est point nécessaire pour les faire. Et quand il vous fera cet argument, que luy pourez vous respondre de solide ? et ainsi la nécessité de cette grâce estant détruite, ne voila-t’il pas la suffisance de la sienne pleinement establie ? [p. 172].

Et c’est la seule raison pour laquelle les Molinistes originaires ne vous haïssent pas, mais vous mettent au rang de leurs freres, parce qu’ils voyent bien que vous combattez pour eux, et quoy qu’apparemment vous en ayez à leur grace suffisante ; [p. 161] toutesfois vous leur donnez par vostre grâce de possibilité une telle ressource, et un si grand avantage sur vous, qu’en toute occasion de dispute ils vous convaincront de contradiction, et vous obligeront d’entrer dans leur sentiment, quoy que vous le reconnoissiez, comme vous dites, contraire à la doctrine de S. Augustin, qui est celle de l’Eglise. Que si vous attaquiez leur grâce au fond du cœur, sans leur donner cette prise sur vous par la grâce de possibilité, certainement ils ne vous le pardonneroient non plus qu’à Jansenius, et vous vous verriez bien-tost comparé à Calvin et à Luther… [p. 171].