Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/369

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Pascal — 2 e Série. I. Pl. 4, page 138.

Monsieur le Moine appelle ce pouvoir, pouvoir prochain.

Mais quoy, mes Peres, leur dis-je, c’est se jouer des paroles de dire, que vous estes d’accord à cause des termes communs dont vous usez, quand vous estes contraires dans le sens. Mes Peres ne répondent rien, & sur cela mon disciple de Monsieur le Moine arriva par un bon heur que je croyois extraordinaire; mais j’ay sceu depuis que leur rencontre n’est pas rare, & qu’ils sont continuellement mêslez les uns avec les autres.

Je dis donc à mon disciple de Monsieur le Moine. Je connois un homme qui dit que tous les justes ont tousjours le pouvoir de prier Dieu, mais que neantmoins ils ne prieront jamais sans une grace efficace qui les determine, & laquelle Dieu ne donne pas tousjours à tous les justes. Est-il heretique? Attendez, me dit mon Docteur, vous me pourriez surprendre. Allons donc doucement, distingo, s’il appelle ce pouuoir , pouvoir prochain, il sera Thomiste, & partant Catholique; sinon il fera janseniste, partant heretique. Il ne l’appelle , luy dis-je, ni prochain, ny non prochain : il est donc heretique , me dit-il: demandez-le à ces bons Peres. Je ne les pris pas pour juges ; car ils consentoient desja d’un mouvement de teste. Mais je leur dis, il refuse d’admettre ce mot de prochain , parce qu’on ne le veut pas expliquer. A cela un de ces Peres voulut en apporter sa definition, mais il fut interrompu par le disciple de Monsieur le Moine, qui luy dit: Voulez-vous donc recommencer nos brouilleries ? Ne sommes-nous pas demeurez d’accord de ne point expliquer ce mot de prochain, & de le dire de part & d’autre, sans dire ce qu’il signifie ? A quoy le Jacobin consentit.

Je penetray par là dans leur dessein , & leur dis en me levant pour les quitter : En verite, mes Peres, j’ay grand peur que tout cecy ne soit vne pure chicanerie; & quoy qu’il arriue de vos assemblées , j’ose vous predire, que quand la Censure seroit faite, la paix ne feroit pas établie. Car quand on auroit décidé qu’il faut prononcer les syllables pro, chain ; qui ne voit que n’ayant point esté expliquées chacun de vous voudra jouir de la victoire. Les Jacobins diront que ce mot s’entend en leur sens. Monsieur le Moine dira que c’est au sien , & ainsi il y aura bien plus de disputes pour l’expliquer, que pour l’introduire Car apres tout, il n’y auroit pas grand peril à le recevoir sans aucun sens puis qu’il ne peut nuire que par le sens. Mais ce seroit une chose indigne de


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(FAC SIMILÉ RÉDUIT.)