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CINQUIÈME PROVINCIALE 299

aux maximes Evangeliques, que les autres y sont contraires ; et vous concluez de là que ces opinions larges n’appartiennent pas à toute la Société. Je le sçay bien ; Car si cela estoit, ils n’en souffriroient pas qui y fussent si contraires. Mais puis qu’ils en ont aussi qui sont dans une doctrine si licentieuse, concluez-en de mesme que l’esprit de la Société n’est pas celuy de la severité Chrestienne. Car si cela estoit, ils n’en souffriroient pas qui y fussent si opposez. Et quoy, luy respondis-je, quel peut donc estre le dessein du Corps entier? C’est sans doute qu’ils n’en ont aucun d’arresté, et que chacun a la liberté de dire à l’avanture ce qu’il pense. Cela ne peut pas estre, me respondit-il ; Un si grand Corps ne subsisteroit pas dans une conduite temeraire ; et sans une ame qui le gouverne et qui regle tous ses mouvemens. Outre qu’ils ont un ordre particulier de ne rien imprimer sans l’aveu de leurs Superieurs 1 . Mais quoy, luy dis-je, comment les mesmes Superieurs peuvent-ils consentir à des maximes si differentes? C’est ce qu’il faut vous apprendre, me repliqua-t’il.

Sçachez donc que leur objet n’est pas de corrompre les mœurs : ce n’est pas leur dessein : Mais ils n’ont pas aussi pour unique but celuy de les reformer. Ce seroit une mauvaise politique. Voicy quelle est leur pensée. Ils ont assez bonne opinion d’eux-mesmes pour croire qu’il est utile et comme neces-

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1 . Pascal revient longuement sur cette affirmation dans la neuvième Provinciale, cf. infra, T. V, p. 195 sq.