Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/449

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LETTRE DE JACQUELINE PASCAL 333

juger à M. d’Alançay que sans doute il y avoit quelque autre issue par où il s’en dechargeoit une partie. Il luy fit ouvrir la bouche, et, apres avoir bien regardé, il connut que l’os du nez estoit percé et qu’une partie de cette ordure entroit dans sa gorge par cette ouverture ; et, en effet, sur le champ mesme, il en tira de toute espece avec sa spatule, ce qui faisoit qu’on ne luy pressoit plus son œil sans horreur, parce qu’on sçavoit qu’il en couloit autant dans la gorge qu’il en sortoit par l’œil. Outre tout cela, il sortoit une tres mauvaise senteur de son œil et de son nez. Voilà ce qu’il avoit vu il y a environ deux mois, et qui luy fit conclure qu’il ne falloit point differer à y mettre le feu ce printems, parce que cet os percé ne feroit que se pourrir de plus en plus, et pouvoit avoir de si mauvaises suites qu’on n’osoit quasi me les dire, comme de luy faire tomber le nez et pourrir la moitié du visage. Il ne desesperoit pas neanmoins de la guerir par le moyen du feu, mais il n’en assuroit point aussi, et assuroit qu’il estoit impossible qu’aucun autre remede humain le pust faire. Voilà l’estat auquel il l’avoit vue ; à quoy il faut ajouter que tout cela estoit encore beaucoup augmenté depuis ce tems-là, de sorte que sa maitresse m’a dit aujourd’huy que quand elle la mena baiser la sainte Relique, elle n’avoit nulle pensée de son œil, mais qu’elle s’en avisa en la voyant approcher, à cause de l’horreur qu’il luy fit, tant il estoit mal ; et que la douleur qu’on luy faisoit en la peignant estoit si grande qu’elle luy faisoit beaucoup pleurer les yeux malgré elle.

Ce matin donc, M. d’Alançay estant venu, on la luy a presentée, sans luy rien dire. Il s’est mis à la regarder de tous costés sans rien dire ; il luy a pressé l’œil ; il a fait entrer sa spatule dans le nez, et à tout cela il estoit bien etonné de ne trouver rien du tout. On luy a demandé