Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/72

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LIV INTRODUCTION

contraindre, tous les actes de la liberté. Cette grâce est une grâce de véritable possibilité, suivant l’expression de Chamillard 1 ; elle nous assure que notre nature est désormais rétablie dans son intégrité; elle consacre, d’une façon définitive, la vérité de l’expérience que nous avons de notre libre arbitre.

Telle est la grâce qui a été appelée suffisante ; et elle suffirait en effet, observe Pascal — la loi et la raison, que les philosophes païens ont connues et célébrées, seraient elles-mêmes des grâces suffisantes 2 — , s’il ne s’agissait que de pratiquer les devoirs extérieurs de la Religion, d’éviter les apparences du vice, s’il n’était pas nécessaire avant tout d’apporter dans l’âme et dans la vie le renversement véritable, renversement du pour au contre, disent les Pensées, qui est la condition de la foi catholique pour autant qu’à l’homme suivant la nature s’oppose en tout et pour tout le saint suivant le christianisme.

La corruption dans les applications morales atteste une perversion dans les principes de la méthode. La logique traditionnelle, qui divise les genres en leurs espèces, qui délimite les possibilités abstraites, ne saurait s’appliquer à l’action de Dieu ; car il n’est pas permis de décomposer cette action en moments successifs ou en modalités diverses, car elle exclut toute compétition et toute restriction. Aussi la logique de l’Ecole expiera-t-elle son audace en se montrant incapable d’atteindre même à la clarté verbale qui paraissait être son principal objet, en se perdant dans les inextricables équivoques de sa terminologie 3 .

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1. Infra p. 153.

2. Cinquième Provinciale, infra p. 304.

3. L’abbé Maynard, un des critiques qui pourtant l’ont pris de plus haut avec Pascal, qui a même prétendu joindre à son édition des Provinciales « leur réfutation », commence par faire observer, dans