Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/84

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fournir l’exposé systématique. Mais la bulle d’Alexandre VII, du 16 octobre 1656, venait ruiner cette première ligne de défense : elle déclarait expressément que les cinq propositions avaient été tirées de l’Augustinus et condamnées dans le sens de Jansénius[1]. Dans la dix-huitième Provinciale, en mars 1657, Pascal se retranche derrière la seconde ligne de défense qui était constituée par la distinction du droit et du fait.

Dans le domaine juridique, le droit est la lettre du code qui fournit la règle du jugement, le fait est le cas particulier auquel on appliquera la règle. En théologie, le droit n’est pas moins indépendant de la raison que le fait lui-même ; comme l’avait montré déjà Pascal dans un fragment de Préface qu’il destinait à son Traité du Vide[2] et qui manifeste l’empreinte profonde de l’Augustinus, la vérité religieuse est d’ordre historique, puisqu’elle consiste dans les faits rapportés par la Bible et par l’Évangile, et d’ordre surnaturel en même temps ; la transmission du péché originel, la rédemption par le sacrifice de Jésus, tiennent leur certitude de l’autorité divine. L’Église catholique a le dépôt de cette autorité ; tout fidèle a pour premier devoir de se soumettre aux décisions rendues régulièrement par elle.

Ce qui est étranger au contenu de la révélation ou à son interprétation officielle relève des seules méthodes humaines, c’est-à-dire du raisonnement s’il s’agit de propositions générales qui sont susceptibles de démonstration, des sens s’il ne s’agit que de certains points particuliers dont l’expérience seule peut nous assurer, par exemple la réalité du mouvement terrestre ou la présence d’une phrase déterminée dans le texte d’un certain auteur.

  1. Vide infra T. VI, p. 61.
  2. T. II, p. 130 et suiv.