Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/100

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nos confessionnaux, si nos Peres n’eussent un peu relasché de la severité de la religion, pour s’accommoder à la foiblesse des hommes[1]. Mais comme ils vouloient demeurer attachez à l’Evangile par leur devoir envers Dieu, et aux gens du monde par leur charité pour le prochain, ils ont eu besoin de toute leur lumiere, pour trouver des expediens, qui temperassent les choses avec tant de justesse, qu’on pust maintenir et reparer son honneur par les moyens dont on se sert ordinairement dans le monde, sans blesser neantmoins sa conscience ; afin de conserver tout ensemble deux choses aussi opposées en apparence, que la pieté, et l’honneur.

Mais autant que ce dessein estoit utile, autant l’execution en estoit penible. Car je croy que vous voyez assez la grandeur et la difficulté de cette entreprise. Elle m’estonne, luy dis-je[2]. Elle vous estonne, me dit-il ? Je le croy. Elle en estonneroit bien d’autres. Ignorez-vous que d’une part la loy de l’Evangile ordonne de ne point rendre le mal pour le mal, et d’en laisser la vengeance à Dieu ?[3] Et que de l’autre les loix du monde defendent de souffrir les injures, sans en tirer raison soy-mesme, et souvent par la mort de ses ennemis ? Avez-vous jamais rien veu

  1. Sur cette allégation, voir la sixième Provinciale, supra p. 38. et la citation d’Hermant, supra p. 9.
  2. B. [assez froidement] ; d’après W : Hic ego satis frigidè.
  3. Paul, Rom. xii, 17, 19 : …nulli malum pro malo reddentes ; … non vosmet ipsos defendentes, charissimi, sed date locum iræ. Scriptum est enim : Mihi vindicta ; ego retribuam, dicit Dominus ? Saint Paul fait ici allusion au Sermon sur la montagne.