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DIXIÈME PROVINCIALE 263

lieux de débauche pour y convertir des femmes perdües, quoy qu’il soit bien vray-semblable quon y pechera: comme si on a des-ja esprouvé souvent qu’on s’est laissé aller au peché par la veüe et les cajolleries de ces femmes. Et encore qu’il y ait des Docteurs qui n’approuvent pas cette opinion, et qui croient qu’il n’est pas permis de mettre volontairement son salut en danger pour secourir son prochain, je ne laisse pas d’embrasser tres-volontiers cette opinion qu’ils combattent. Voila, mon Pere, une nouvelle sorte de predicateurs. Mais sur quoy se fonde le Pere Bauny pour leur donner cette mission 1. C’est, me dit-il, sur un de ses principes qu’il donne au mesme lieu aprés Basile Ponce. Je vous en ay parlé autrefois 2 et je croy que vous vous en souvenez. C’est qu’on peut rechercher une occasion directement et par elle-mesme , primò et per se, pour le bien temporel ou spirituel de soy ou du prochain. Ces passages me firent tant d’horreur, que je pensay rompre là dessus. Mais je me retins, afin de le laisser aller jusques au bout, et me contentay de luy dire : Quel rapport y a-t’il, mon Pere, de cette doctrine à celle de l’Evangile, qui oblige à s’arracher les yeux, et à retrancher les choses les plus necessaires, quand elles nuisent au salut 3? Et comment pouvez vous concevoir, qu’un homme qui demeure volontairement dans les occasions des

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1. W.... mittit in lupanaria concionaturos ?

3. Cf. dans la cinquième Provinciale, supra T. IV, p, 308 sq.

3. Matth. V, 29 : Quod si oculus tuus dexter scandalizat te, erue eum, et projice abs te : expedit enim tibi ut pereat unum membrorum tuorum, quàm totum corpus tuum mittatur in gehennam.