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286 ŒUVRES

les Escritures. Car en quel estat estait Adam ? Mort dans l’ame, sujet à mourir dans le corps ; et ayant besoin de vivres et de vestement. Ce n’estoit donc pas selon la verité, mais par ironie qu’on le disoit semblable à Dieu. Et pourquoy devoit-il estre raillé par cette ironie ? Pour luy faire sentir, avec combien de folie et de vanité il avoit ajousté foy aux trompeuses promesses du diable. Et on le luy faisoit sentir plus vivement par cette expression ironique et affirmative, que l’on n’eust fait par une serieuse et negative. Ce qui est confirmé par Hugues de S. Victor (in Genes, p. 17.), qui dit : que cette ironie estoit deuë à sa sotte credulité : et que cette espece de raillerie est quelquefois une action de justice, comme icy, lors que celuy, envers lequel on en use, l’a meritée [p. 311 sq.].

Cette mesme Sagesse divine declare {Prov. c. I.v. 26.): quelle usera de moquerie et d’insulte dans la perte des méchans. In interitu vestro RIDEBO ET SUBSANNABO. Elle inspire aux justes d’en user de mesme. Ils riront et se moqueront, SUPER EUM RIDEBUNT : dit le Saint-Esprit (Psal. 51. 8.), en voyant la vengeance divine tomber sur le fou, qui n’a pas mis sa confiance au Seigneur... [p. 310 sq.].

V. Que les SS. Peres se sont servis quelquefois de la raillerie.

p. 17. Ce principe, que vous voyez, Monsieur, estre estably sur les Escritures Saintes, a porté les Saints Peres à mesler avec adresse des rencontres agreables, et qui font rire, avec les raisons les plus fortes et les discours les plus ecclesiastiques....

S. Hierosme est celuy de tous les Peres, qui en a le plus usé dans ses lettres, quoy qu’il fust si austere et si penitent.... {Arnauld cite ici les lettres 99, 101, 84, et 83) [p. 313].

Saint Augustin, dont la gravité et la charité toute apostolique ont éclatté avec eminence entre tous les Peres, n’a pu neantmoins instruire des Religieux de son temps, qui faisoient une particuliere profession de vertu, sur ce qu’ils aimoient trop l’oisiveté, et haïssoient le travail des mains, et sur ce qu’ils affectoient d’avoir de fort longs cheveux, sans faire paroistre la lumiere de son merveilleux genie dans les railleries spirituelles et nobles, avec lesquelles il confond leur