Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/334

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luy oster cette fantaisie de l’esprit. Depuis qu’il est party de cette ville, c’est-à-dire depuis trois ou quatre jours j’ay apris par un de ses proches que Mr de Boisfranc le père se desfie de Madame la Marquise de Sablé, qu’il croit qu’elle entretient ces amourettes et qu’elle fomente les inclinations de son fils contre ses intentions. Cela m’a extrêmement faschée et j’ay repondu à cela comme je devois, mais cela est inutile, car mon discours ne retournera pas à Mr de Boisfranc. J’ay creu que je ne devois pas laisser ignorer cela à Madame la Marquise parce que je sçais que quoy qu’elle considère beaucoup le fils, elle a de grans esgards pour le père et qu’elle ne seroit pas bien aise qu’il creust qu’elle fait quelque chose contre ses interests. Vous jugerez mieux que moy, Monsieur, de ce qu’il est à propos de faire là dessus, mais je vous prie de faire les choses en sorte que je ne paroisse point du tout là-dedans, c’est-à-dire que les gens qui m’ont fait ce discours, ne puissent pas sçavoir que je l’ay raporté, parce que ce sont des personnes que je vois tous les jours et envers qui cela pourroit me faire des affaires. J’ay appris aussy qu’on intercepte toutes les lettres que la demoiselle escrit et si elle s’avisoit, quoy que innocemment, de parler dans ses lettres de Madame la Marquise, vous voyez bien que cela redoubleroit les soupçons. Ainsy je crois qu’il faut remédier à tout cela. Je vous supplie, Monsieur, d’avoir la bonté de faire mes excuses à Madame de ce que je ne luy ay pas dit tout cela à elle-mesme ; j’ay eu plusieurs raisons pour en user ainsy, je ne sçavois pas s’il estoit à propos de le faire, et d’ailleurs, comme je n’ay pas accoutumé de luy parler d’affaires, je craignois qu’elle ne fit lire la lettre par quelqu’un de ses gens. Voilà, Monsieur, une commission que je vous donne aveques bien de la liberté, mais j’ay creu qu’elle ne vous seroit pas désagréable, puisqu’il s’agist du service de Madame la Marquise dont je sçais que les interest vous sont infiniment plus chers que les vostres propres. Je vous suplie de vous souvenir aussy des miens et de mesnager les choses, en sorte que dans l’ordre qu’on y mettra on ne puisse pas