Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/336

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avoyent prémédité leur départ pour le 14e Novembre, nous disant mesme que quand le mal reviendroit, cela ne les arresteroit pas, parce qu’ils ne pouvoyent se résoudre de perdre l’occasion de profiter des grans avantages dont Dieu les favorisoit, par les habitudes qu’ils avoyent auprès des plus grans hommes de France qui non-seulement les souffroyent, mais qui daignoyent mesme s’apliquer à eux jusques à descendre dans le particulier de leur conduitte pour leurs mœurs et pour leurs estudes. Enfin ils m’en dirent tant que je me rendis, mais mon fils aisné qui ne venoit que d’arriver de la campagne et qui ne les avoit presque pas veu encorre ne pus souffrir cette proposition qui le surprenoit d’autant plus qu’il avoit creu les garder tout l’hyver, enfin il leur fit si bien connoistre la peine que cela luy faisoit qu’ils furent quelque tems sans oser luy en parler, cependant comme ils espioyent toutes les occasions, ils sçeurent que M r Morin, beau-frere de M. Laporte vouloit faire le voyage ; ils lièrent la partie aveques luy et firent consentir leur frère pour le 28e Novembre, ils allèrent en mesme tems au carrosse et trouvèrent les 4 premières places arrestées et Mr Morin ayant dit qu’il ne vouloit pas estre à la portière, ils ne laissèrent pas de persister dans leur resolution et vouloyent absolument partir, mais leur frère ne le voulust jamais permettre, de sorte qu’ils arresterent les i res places pour le 5e de ce mois qui estoit le samedy, jour ord re du départ du carrosse, mais ceux qui venoyent de Paris l’ayant arresté deux jours plus qu’à l’ordre, ils ne sont partis que ce matin. Cependant nous avons sujet de croire que Dieu a conduit toutes choses, car s’ils eussent retenu leurs places pour le 28e du passé, ils ne seroyent pas partis, car ce jour là mon fils aisné eust un grand frisson qui fut suivy d’un accès de 36. heures, et ils n’auroyent pas laissé leur frère en cet estât et n’auroyent pu partir delongtems, car les places sont toutes retenues pour un mois. Ce qui me console, c’est qu’ils sont partis en parfaitte santé par la grâce de Dieu, et que mon fils y a consenty assez gayment. Ils vous diront combien il a sujet d’estre ainsy attaché à ses frères, et combien il est seul.