Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/241

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qu’il doit détruire ne sauraient être des biens et des ennemis temporels ; et qu’un simple gagneur de batailles ne pouvant être qu’un indigne objet pour de tels préparatifs, il n’y a véritablement qu’un Dieu qui puisse y répondre ?

Mais lorsqu’après une attente de quatre mille ans, le ciel s’ouvre pour donner JÉSUS-CHRIST à la terre, et quai vient dire lui-même aux hommes : C’est pour moi que tout cela a été fait, et c’est moi que vous attendez : qu’il paraît digne de tout cet appareil, et que, pour peu qu’il y en eût moins, on le trouverait indigne de lui ! Il naît véritablement dans l’obscurité, il vit dans l’indigence, il meurt avec ignominie ; mais s’il a caché par là sa divinité, qu’il l’a bien prouvée par ailleurs ! et que l’aveuglement des Juifs et de tant d’autres a dû être grand, pour le méconnaître, et pour croire qu’il y eût d’autre grandeur devant Dieu que celle de la sainteté ! Quand il n’y aurait point de prophéties pour JÉSUS-CHRIST, et qu’il serait sans miracles, il y a quelque chose de si divin dans sa doctrine et dans sa vie qu’il en faut au moins être charmé ; et que, comme il n’y a ni véritable vertu ni droiture de cœur sans l’amour de JÉSUS-CHRIST, il n’y a non plus ni hauteur d’intelligence ni délicatesse de sentiment sans l’admiration de JÉSUS-CHRIST. Rappelons ici le discernement dont j’ai parlé ; et sur ce que nous voyons des derniers efforts de l’esprit humain, examinons sincèrement s’il est en nous d’aller jusque-là. Que Socrate et Épictète paraissent, et qu’au même temps que tous les hommes du monde leur céderont pour les mœurs, ils reconnaissent, eux-mêmes, que toute leur justice et toute leur vertu s’évanouit comme une ombre, et s’anéantit devant celle de JÉSUS-CHRIST. Ils nous apprennent, à la vérité, que tout ce qui ne dépend point de nous ne nous touche point, que la mort n’est rien, que nous ne devons faire aux autres que ce que nous voudrions qu’on nous fit. Ce serait quelque chose, s’il n’y avait que des hommes, et qu’il ne s’agît que de régler une république, et de passer doucement cette vie. Mais que ce mépris de la mort est difficile dans l’attente de l’anéantissement, et qu’il est peu capable d’en consoler ! Et s’il y a un Dieu, qu’ils l’ont cru facile à contenter, et que cette vertu toute nôtre, qui ne vient point de lui, et ne tend point à lui, qui n’est fondée que sur nos intérêts et nos commodités, doit peu nous faire espérer en