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SECTION II.

reprochent ou de suivre leurs fausses impressions de l’enfance, ou de courir témérairement après les nouvelles. Qui tient le juste milieu ? Qu’il paraisse, et qu’il le prouve. Il n’y a principe, quelque naturel qu’il puisse être, même depuis l’enfance, [qu’on ne] lasse passer pour une fausse impression, soit de l’instruction, soit des sens[1].

[2] Parce, dit-on, que avez cru[3] dès l’enfance qu’un coffre était vide lorsque vous n’y voyez rien, vous avez cru le vide possible ; c’est une illusion de vos sens, fortifiée par la coutume[4], qu’il faut que la science corrige. — Et les autres disent : Parce qu’on vous a dit dans l’École qu’il n’y a point de vide, on a corrompu votre sens commun, qui le comprenait si nettement avant cette mauvaise impression, qu’il faut corriger en recourant[5] à voire première nature[6]. » !

  1. « Que cette raison, qui se manie à nostre poste, trouvant tousiours quelque diversité et nouvelleté, ne laisse chez nous aulcune trace apparente de la nature ; et en ont faict les hommes, comme les parfumiers de l’huile ; ils l’ont sophistiquée de tant d’argumentations et de discours appelez du dehors qu’elle en est devenue variable et particulière à chascun, et a perdu son propre visage, constant et universel.» (Mont., III, 12.)
  2. Page 370 du manuscrit.
  3. [Voir des coffres] vides.
  4. Qu’il faut… corrige en surcharge.
  5. [A la] nature.
  6. Pascal se souvient de ses recherches et de ses polémiques sur le vide. La première thèse est commune à la scolastique et à Descartes qui, invoquant, l’une « le sens commun des physiciens », l’autre l’évidence rationnelle, croient pouvoir établir a priori l’impossibilité du vide. L’autre thèse a été celle de Pascal : la négation des vues artificielles et le retour à l’observation directe de la nature nous conduisent à admettre le vide, sinon comme réel, du moins comme possible. « Mais, Monsieur, je vous laisse à juger, lorsqu’on ne voit rien, et que les