Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Monsieur Rathery, lui dit-elle, voilà.

— Qu’est-ce que ce griffonnage ? dit mon oncle. « Le 10 août, trois bouteilles de vin et un fromage à la crème ; le 1er septembre, avec M. Page, neuf bouteilles et un plat de poissons. » Dieu me pardonne, je crois que c’est un mémoire.

— Sans doute, dit Manette ; je vois bien qu’il est temps de régler nos comptes, et j’espère que vous m’enverrez le vôtre ces jours-ci.

— Moi, Manette, je n’ai pas de compte à vous faire. Belle corvée, ma foi, que de toucher le bras blanc et potelé d’une jolie femme comme vous l’êtes !

— Vous dites cela pour vous moquer de moi, monsieur Rathery, fit Manette tressaillant d’aise.

— Je le dis parce que c’est vrai, parce que je le pense, répondit mon oncle. Pour ton mémoire, ma pauvre Manette, il arrive dans un moment fatal, je suis obligé de te déclarer que je n’ai pas un petit écu à l’heure qu’il est ; mais, tiens, voilà ma montre, tu la garderas jusqu’à ce que je t’aie remboursée. Ça se trouve on ne peut mieux ; elle ne va plus depuis hier.

Manette se mit à pleurer et déchira le mémoire.

Mon oncle l’embrassa sur la joue, sur le front, sur les yeux, partout où il put la rencontrer.

— Benjamin, lui dit Manette se penchant vers son oreille, si vous avez besoin d’argent, dites-le moi.

— Non ! non ! Manette, répondit vivement mon oncle, je n’ai pas besoin de ton argent. Diable ! ceci deviendrait grave. Te faire payer le bonheur que tu me donnes ! mais ce serait une indignité, je serais vil comme une prostituée ! – et il embrassa Manette comme la première fois.